Les analyses génétiques – Dépistage du syndrome de Lynch dans la région Nord-Pas-de-Calais

Dr Marie-Pierre Buisine – Oncologie et Génétique Moléculaires – CHRU de Lille (Oct 2011)

L’analyse génétique consiste à rechercher dans notre patrimoine génétique une altération responsable de maladie héréditaire.
L’information génétique est portée par notre ADN. L’ADN est l’équivalent d’une encyclopédie écrite à partir d’un alphabet à 4 caractères : A, G, C et T. Il est constitué de gènes (l’équivalent des mots de notre encyclopédie), présents en double copie (une copie d’origine maternelle, une copie d’origine paternelle) qui sont décodés pour permettre la synthèse de protéines assurant des fonctions les plus diverses. Certaines modifications de l’ADN ou mutations conduisent à la production de protéines de mauvaise qualité qui sont incapables d’assurer leur fonction d’où le développement de maladies. L’analyse génétique va consister à rechercher cette altération responsable de la maladie, dans le cas présent le syndrome de Lynch. Les gènes MMR Le syndrome de Lynch est dû à une mutation d’un gène MMR (MisMatch Repair)  : MSH2, MLH1, MSH6 ou PMS2. Les gènes MMR sont impliqués dans la réparation de l’ADN. Ils produisent des protéines qui sont indispensables au maintien de l’intégrité de notre patrimoine génétique. Les protéines MMR contrôlent la qualité de l’ADN, en particulier de l’ADN qui est synthétisée au cours des divisions cellulaires, et réparent les erreurs. Le patient atteint d’un syndrome de Lynch est porteur d’une mutation constitutionnelle (c’est-à-dire présente dans toutes les cellules de l’organisme) d’un gène MMR. Cette mutation entraîne la production d’une protéine MMR défectueuse, incapable d’exercer son travail de réparation de l’ADN. Le patient a ainsi une prédisposition à développer un cancer, qui survient si la seconde copie du gène subit elle-aussi une altération (altération limitée aux cellules tumorales). Les conséquences des altérations des deux copies d’un gène MMR sont visibles au niveau des cellules tumorales qui vont montrer comme caractéristiques une instabilité microsatellitaire ou phénotype MSI (MicroSatellite Instability) (encore parfois appelé RER pour Replication ERror) et une disparition des protéines MMR défectueuses.

Le rôle du laboratoire va être double : – Il va réaliser des analyses sur la tumeur : le test MSI et l’étude des protéines MMR, ceci ayant pour but d’aider au diagnostic de syndrome de Lynch et d’orienter les analyses génétiques. – Il va aussi réaliser les analyses génétiques proprement dites. Ces analyses sont réalisées à partir d’une prise de sang et consistent à rechercher sur l’ADN une mutation dans les gènes MMR, l’objectif étant de confirmer le diagnostic de syndrome de Lynch ou de dépister dans la famille les personnes à risque (diagnostic prédictif).

Les analyses tumorales Les analyses tumorales précèdent généralement les analyses génétiques et consistent à rechercher des marqueurs d’aide au diagnostic du syndrome de Lynch : test MSI et étude des protéines MMR. Des recommandations ont été diffusées dès 2003 indiquant l’importance pour le dépistage du syndrome de Lynch de réaliser ces analyses tumorales chez tous les patients atteints d’un cancer du spectre du syndrome de Lynch (en particulier cancer colorectal ou de l’endomètre) avant l’âge de 60 ans ou quelque soit l’âge à partir du moment où il existe un antécédent familial au 1er degré de cancer du spectre (Olschwang et Eisinger, 2003). Ce type d’analyse a rapidement été mis en place dans certains laboratoires, mais la démarche a depuis été grandement facilitée par l’implantation en 2006-2007, sous l’égide de l’INCa (Institut National du Cancer), de plateformes d’analyse moléculaires des tumeurs (29 plateformes réparties sur toute la France). En pratique, le clinicien (Gastro-entérologue, Gynécologue, Chirurgien, Généticien) qui soupçonne un syndrome de Lynch fait la demande de test auprès du Pathologiste qui détient les échantillons tumoraux (des fragments de la tumeur sont conservés par les Pathologistes durant un minimum de 10 ans). Le bloc tumoral est sélectionné et transmis au centre de pathologie moléculaire où est réalisée l’analyse des protéines MMR. Des coupes sont réalisées à partir du bloc tumoral et transmises au laboratoire de la plateforme pour l’analyse MSI. Le résultat indique la présence ou l’absence d’instabilité micro satellitaire, apportant un élément en faveur ou en défaveur du diagnostic de syndrome de Lynch.

Les analyses génétiques Le premier type d’analyse génétique consiste à rechercher la mutation responsable de la maladie dans la famille. Ce type d’analyse ne peut être effectué que dans un laboratoire autorisé et par des praticiens agréés (décret n°2008-321 du 4 avril 2008).                 Actuellement, 25 laboratoires en France réalisent des analyses d’Oncogénétique, dont 17 effectuent l’analyse des gènes MMR pour le diagnostic de syndrome de Lynch. Le diagnostic du syndrome de Lynch est complexe. En effet, la mutation peut se trouver dans n’importe quel gène MMR et n’importe où dans ces gènes ; elle peut être de différentes natures, nécessitant la mise en œuvre de techniques diverses. Ceci explique que les analyses puissent être longues et, parfois, ne pas aboutir. Il arrive aussi que certaines altérations identifiées soient difficiles à interpréter, d’où l’importance pour les laboratoires de travailler en Réseau  afin de partager leurs expériences (Réseau National des Laboratoires d’Oncogénétique Digestives, coordonné par le Dr Sylviane Olschwang, Institut Paoli Calmettes, Marseille). Le laboratoire travaille également en lien étroit avec les cliniciens, permettant de personnaliser la prise en charge.

En pratique, l’identification de la mutation est réalisée chez une personne qui a déjà eu un cancer. L’analyse est réalisée sur l’ADN extrait à partir d’un prélèvement de sang (réalisé au cours de la consultation de génétique). Lorsqu’une mutation est identifiée, elle fait l’objet d’un compte-rendu indiquant le nom du gène et le type de mutation identifié qui est transmis au prescripteur. Ce type d’analyse peut être long : plusieurs mois, voire plusieurs années en l’absence de mutation identifiée et dans l’attente de nouvelles avancées concernant le diagnostic (identification de nouveaux gènes, de nouveaux types de mutations…).

Le second type d’analyse génétique, correspond au diagnostic prédictif chez des apparentés. Celui-ci n’est possible que si la mutation responsable de la maladie a été identifiée. Le diagnostic est beaucoup plus simple et rapide (quelques semaines) consistant à rechercher directement la mutation préalablement identifiée dans la famille.

M-P Buisine – Oct 2011