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Indications des tests génétiques dans le cadre du syndrome de Lynch

Pr Yves-Jean BIGNON Département d’oncogénétique, Centre Jean Perrin – BP 392 – 63011 Clermont-Ferrand – Octobre 2012

Parce que les mutations germinales délétères sont rares dans la population générale (<1%) l’histoire familiale est le meilleur moyen d’identifier les porteurs de mutations dans les gènes liés au risque héréditaire de cancer du côlon. 

>> En 2012, trop de médecins négligent encore de rechercher les antécédents familiaux ! (H. Lynch in C.P.R. 2012)

Les indications classiques (Bethesda) de consultations d’oncogénétique et de tests génétiques sont :
1) CCR (cancer colorectal) diagnostiqué avant l’âge de 50 ans.
2) Sujet avec un antécédent personnel de cancer du spectre Lynch (côlon, endomètre, grêle, voies urinaires excrétrices), CCR synchrone ou métachrone, ou cancer extra-colique du spectre Lynch quel que soit l’âge au diagnostic.
3) CCR diagnostiqué avant 60 ans avec caractéristiques anatomo-pathologiques évocatrices (infiltrat lymphocytaire dense du stroma tumoral, réaction inflammatoire de type Crohn, différenciation mucineuse ou en bague à chaton, architecture de type médullaire).
4) CCR avec au moins un apparenté au premier degré atteint d’un cancer du spectre Lynch élargi (pancréas, voies biliaires, estomac, ovaires, glioblastomes, tumeurs cutanées), un des cancers diagnostiqué avant 50 ans.
5) patient CCR + au moins 2 apparentés 1er ou 2ème degré avec cancer du spectre élargi HNPCC quel que soit l’âge

Ne passe-t-on pas à côté du risque héréditaire de cancers du colon à ne tester que les grandes familles à cas multiples de cancers ?

Les gènes MMR défectueux impliqués dans le syndrome de Lynch, favorisent de multiples altérations génétiques dans les tumeurs cancéreuses qui peuvent être identifiées dans un laboratoire de biologie moléculaire sous forme d’instabilité micro-satellitaire ou IMS.

La recherche d’IMS somatique tumorale est indiquée alors pour :
* tout CCR ou cancer du spectre élargi HNPCC diagnostiqué < 60 ans
* 2 cancers du spectre HNPCC chez un même individu
* 2 cancers du spectre HNPCC chez des apparentés au 1er degré quelque soit l’âge au diagnostic
* polype > 10 mm & histoire familiale (M. Yurgelun C.P.R. 2012)
* Quand une étude Immuno-Histo-Chimique (IHC) tumorale a été pratiquée :
* notion de CCR entre 40 et 60 ans avec extinction MLH1 en IHC
* CCR avec extinction de la protéine MSH2 en IHC


En conclusion les indications de tests génétiques dans les suspicions de syndrome de Lynch sont les suivantes :
Histoire familiale ayant les critères Amsterdam II ou de Bethesda
Présence d’IMS somatique tumorale en absence d’histoire familiale et de méthylation du gène MLH1
En absence de détermination IMS :
> Cancer du spectre HNPCC avant 40 ans
> Cancers primitifs multiples du spectre HNPCC
> 2 cancers du spectre large HNPCC liés au 1er degré avant 60 ans
> Amsterdam II élargi: 2 cas au lieu de 3, autres critères présents.

On notera qu’il y a : Deux fois moins de familles à risque de cancer du colon que de familles à risque de cancer du sein vues en oncogénétique alors que la prévention des cancers du syndrome de Lynch est plus simple.

Il est donc essentiel de faire connaître le syndrome de Lynch afin que les tests génétiques soient pratiqués et qu’une prise en charge personnalisée du risque de cancer soit mise en place.

Pr Yves-Jean BIGNON – Montpellier 2012

Interprétation du résultat d’une analyse de génétique constitutionnelle

Dr. Jean-Marc REY Laboratoire de Biopathologie Cellulaire et Tissulaire des Tumeurs – Hôpital Arnaud de Villeneuve CHU de Montpellier – Oct 2012

Le compte-rendu des résultats d’une analyse de génétique constitutionnelle a été normalisé entre les différents laboratoires afin de faciliter sa lecture. En plus des données concernant le patient, les indications de l’analyse et les techniques utilisées, il contient la description des variations génétiques identifiées ainsi que leur interprétation et la conclusion qui en découle.

Afin de comprendre un tel compte-rendu, il est nécessaire de se souvenir de plusieurs points. L’information génétique est localisée dans le noyau des cellules composant tout organisme. Son support est l’ADN. Les cellules des différents organes et tissus possèdent la même information génétique transmise des parents aux enfants : une copie provenant du père, une copie de la mère.

Le but de l’analyse de génétique constitutionnelle est d’identifier une altération prédisposant au syndrome de Lynch transmissible d’une génération à l’autre. Pour cela nous analysons l’ADN d’un membre de la famille présentant la pathologie car son information génétique est susceptible de contenir ce type d’altération. L’ADN est extrait à partir de cellules normales, en l’occurrence les lymphocytes du sang circulant, car l’altération peut être identifiée à partir de toutes les cellules.
Les gènes contiennent l’information codée permettant la synthèse des protéines constituant toutes nos cellules. Le code est constitué par la combinaison de 4 molécules (bases) A, C, T et G assemblées en triplets appelés codons. La majorité des codons correspond à des acides aminés dont l’assemblage permet d’obtenir les protéines. Le code génétique est donc segmenté en phase de 3 bases. La partie informative des gènes, appelée partie codante, se termine par un codon non-sens ou codon STOP.
Deux grandes catégories de variations génétiques ou mutations sont recherchées, la technique utilisée pour les identifier dépend de leur étendue.

Ce sont les mutations ponctuelles et les réarrangements de grande taille. Ces variations sont définies par rapport à l’information génétique connue pour être normale.

Une nomenclature internationale a été rédigée afin d’exprimer toutes les variations génétiques identifiées. Certaines de ces variations ne sont pas responsables de la pathologie, elles sont dites « non causales », elles peuvent même parfois être présentes chez plus de 1% des individus, elles sont alors dites « polymorphes ». D’autres ont été identifiées comme responsables de la pathologie, par exemple celles générant un codon STOP prématuré, elles sont dites « causales » ou « délétères ».
Enfin pour certaines le lien de causalité avec la pathologie n’a pas pu être établi avec certitude. Ces variations sont dites « de signification inconnue ». Pour ces dernières, des études fondamentales complémentaires sont nécessaires afin de définir leur caractère non causal ou délétère.

Une classification des variations génétiques ou « variants » a été élaborée et sera précisée prochainement dans le compte-rendu de génétique constitutionnelle :
Variant de classe 5 : clairement délétère ou causal
Variant de classe 4 : probablement délétère
Variant de classe 3 : de signification inconnue
Variant de classe 2 : probablement non délétère
et Variant de classe 1 : non délétère ou neutre (polymorphe ou non).

En résumé, le compte-rendu de l’analyse de génétique constitutionnelle doit contenir les informations suivantes * Les données du patient testé, * les indications de l’analyse, * les caractéristiques de l’échantillon analysé, * les techniques utilisées et les séquences de référence, * les résultats obtenus et les conclusions en découlant ainsi que l’identification des personnes ayant effectué puis interprété l’analyse.

Docteur Jean-Marc REY – Montpellier – Octobre 2012

Le diagnostic du syndrome de Lynch : la démarche en oncogénétique

Dr Sophie Lejeune – Service de Génétique – Hôpital Jeanne de Flandre – CHRU de Lille

Le syndrome de Lynch, du nom du cancérologue américain Henry Lynch qui le décrivit initialement, est une maladie génétique responsable d’une augmentation du risque de développer certains cancers, principalement colorectaux, mais également gynécologiques chez la femme (endomètre et ovaires). Cette maladie génétique est rare. Il ne représente que 3% à 5% des cancers du côlon et du rectum. Il est important d’en faire le diagnostic dans une famille afin de préciser les risques de cancer et les modalités de prise en charge à proposer aux différents membres de la famille.

1) Le diagnostic initial, le « cas index » La 1re personne de la famille initiant le bilan oncogénétique est appelée « cas index ». Il s’agit en général d’une personne ayant ou ayant eu un cancer colorectal et/ou gynécologique, vue en consultation d’oncogénétique à la demande de son chirurgien, de son médecin (oncologue, gynécologue, gastro-entérologue) ou à sa demande personnelle. Un arbre généalogique est établi, et si l’histoire personnelle et/ou familiale est évocatrice du syndrome de Lynch, une étude génétique lui est proposée afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic. Cette étude, réalisée à partir d’une prise de sang et si possible à partir de la tumeur lorsque le patient a été opéré, est longue (entre 6 et 12 mois) et non à la charge financière du patient. Les résultats de ce bilan lui sont rendus et expliqués par le médecin généticien au cours d’une consultation. Si le diagnostic de syndrome de Lynch est confirmé, des modalités spécifiques de prise en charge peuvent lui être recommandées. Par exemple, une femme ayant eu un cancer de l’utérus survenu dans le cadre de ce syndrome, se verra recommander une surveillance digestive par coloscopies régulières, tous les 2 ans, en raison du risque associé de cancer colorectal.

2) Les tests génétiques chez les apparentés
Il s’agit pour le cas index d’une démarche à la fois personnelle et familiale. En effet, une fois le diagnostic établi, lui revient la charge d’en informer tous les membres de sa famille potentiellement concernés : (a) existence d’une maladie génétique au sein de la famille responsable d’un risque élevé de développer certains cancers ; (b) maladie pouvant toucher les hommes et les femmes ; (c) risque de 50% pour un sujet atteint de transmettre la maladie à ses enfants. De plus, lorsque le bilan génétique a permis d’identifier l’anomalie génétique (= mutation) responsable du syndrome de Lynch dans la famille, il est alors possible de proposer à tous les apparentés majeurs la réalisation d’un test génétique. Ce test a pour but de déterminer à partir d’une prise de sang si la personne est porteuse de la mutation responsable de la maladie, afin de mettre en place un suivi médical adapté si besoin. La réalisation de ce test génétique se fait à l’issue d’une consultation de génétique, au cours de laquelle une réflexion est menée sur les enjeux médicaux et psychologiques du test, avec dans la mesure du possible un encadrement psychologique et si besoin une période de réflexion. Les résultats sont connus beaucoup plus rapidement. On recommande en général de faire le test à partir 20 ans, car c’est à cet âge que débute la surveillance digestive par coloscopie dans le syndrome de Lynch.

3) L’importance de la transmission de l’ information La transmission de l’information dans la famille est donc PRIMORDIALE. En effet, un cousin, un oncle ou encore une nièce feront le test génétique, s’ils le souhaitent certes, mais avant tout s’ils ont été mis au courant de la possibilité de ce test. Afin de faciliter la transmission de cette information, des lettres destinées à tous les membres de la famille sont systématiquement remises au patient. Les possibilités et les difficultés potentielles de transmission de l’information au sein de la famille sont analysées avec le patient et des solutions sont envisagées au cas par cas.

4) Nécessité de consultations de suivi en oncogénétique Outre le suivi médical digestif et/ou gynécologique, il est important qu’un patient atteint d’un syndrome de Lynch bénéficie également d’un suivi oncogénétique afin de faire le point sur les modalités de sa prise en charge. En effet, celles-ci peuvent être modifiées en raison de l’évolution des connaissances médicales et scientifiques. Elles évoluent par ailleurs systématiquement en fonction de l’âge du patient : à 20, 40 ou 60 ans, les risques tumoraux évoluent, la prise en charge également.
Plus qu’une rencontre ponctuelle, la démarche en oncogénétique doit donc s’inscrire dans le temps comme un véritable accompagnement du patient dans son parcours médical.

S. Lejeune – Février 2012

Les analyses génétiques – Dépistage du syndrome de Lynch dans la région Nord-Pas-de-Calais

Dr Marie-Pierre Buisine – Oncologie et Génétique Moléculaires – CHRU de Lille (Oct 2011)

L’analyse génétique consiste à rechercher dans notre patrimoine génétique une altération responsable de maladie héréditaire.
L’information génétique est portée par notre ADN. L’ADN est l’équivalent d’une encyclopédie écrite à partir d’un alphabet à 4 caractères : A, G, C et T. Il est constitué de gènes (l’équivalent des mots de notre encyclopédie), présents en double copie (une copie d’origine maternelle, une copie d’origine paternelle) qui sont décodés pour permettre la synthèse de protéines assurant des fonctions les plus diverses. Certaines modifications de l’ADN ou mutations conduisent à la production de protéines de mauvaise qualité qui sont incapables d’assurer leur fonction d’où le développement de maladies. L’analyse génétique va consister à rechercher cette altération responsable de la maladie, dans le cas présent le syndrome de Lynch. Les gènes MMR Le syndrome de Lynch est dû à une mutation d’un gène MMR (MisMatch Repair)  : MSH2, MLH1, MSH6 ou PMS2. Les gènes MMR sont impliqués dans la réparation de l’ADN. Ils produisent des protéines qui sont indispensables au maintien de l’intégrité de notre patrimoine génétique. Les protéines MMR contrôlent la qualité de l’ADN, en particulier de l’ADN qui est synthétisée au cours des divisions cellulaires, et réparent les erreurs. Le patient atteint d’un syndrome de Lynch est porteur d’une mutation constitutionnelle (c’est-à-dire présente dans toutes les cellules de l’organisme) d’un gène MMR. Cette mutation entraîne la production d’une protéine MMR défectueuse, incapable d’exercer son travail de réparation de l’ADN. Le patient a ainsi une prédisposition à développer un cancer, qui survient si la seconde copie du gène subit elle-aussi une altération (altération limitée aux cellules tumorales). Les conséquences des altérations des deux copies d’un gène MMR sont visibles au niveau des cellules tumorales qui vont montrer comme caractéristiques une instabilité microsatellitaire ou phénotype MSI (MicroSatellite Instability) (encore parfois appelé RER pour Replication ERror) et une disparition des protéines MMR défectueuses.

Le rôle du laboratoire va être double : – Il va réaliser des analyses sur la tumeur : le test MSI et l’étude des protéines MMR, ceci ayant pour but d’aider au diagnostic de syndrome de Lynch et d’orienter les analyses génétiques. – Il va aussi réaliser les analyses génétiques proprement dites. Ces analyses sont réalisées à partir d’une prise de sang et consistent à rechercher sur l’ADN une mutation dans les gènes MMR, l’objectif étant de confirmer le diagnostic de syndrome de Lynch ou de dépister dans la famille les personnes à risque (diagnostic prédictif).

Les analyses tumorales Les analyses tumorales précèdent généralement les analyses génétiques et consistent à rechercher des marqueurs d’aide au diagnostic du syndrome de Lynch : test MSI et étude des protéines MMR. Des recommandations ont été diffusées dès 2003 indiquant l’importance pour le dépistage du syndrome de Lynch de réaliser ces analyses tumorales chez tous les patients atteints d’un cancer du spectre du syndrome de Lynch (en particulier cancer colorectal ou de l’endomètre) avant l’âge de 60 ans ou quelque soit l’âge à partir du moment où il existe un antécédent familial au 1er degré de cancer du spectre (Olschwang et Eisinger, 2003). Ce type d’analyse a rapidement été mis en place dans certains laboratoires, mais la démarche a depuis été grandement facilitée par l’implantation en 2006-2007, sous l’égide de l’INCa (Institut National du Cancer), de plateformes d’analyse moléculaires des tumeurs (29 plateformes réparties sur toute la France). En pratique, le clinicien (Gastro-entérologue, Gynécologue, Chirurgien, Généticien) qui soupçonne un syndrome de Lynch fait la demande de test auprès du Pathologiste qui détient les échantillons tumoraux (des fragments de la tumeur sont conservés par les Pathologistes durant un minimum de 10 ans). Le bloc tumoral est sélectionné et transmis au centre de pathologie moléculaire où est réalisée l’analyse des protéines MMR. Des coupes sont réalisées à partir du bloc tumoral et transmises au laboratoire de la plateforme pour l’analyse MSI. Le résultat indique la présence ou l’absence d’instabilité micro satellitaire, apportant un élément en faveur ou en défaveur du diagnostic de syndrome de Lynch.

Les analyses génétiques Le premier type d’analyse génétique consiste à rechercher la mutation responsable de la maladie dans la famille. Ce type d’analyse ne peut être effectué que dans un laboratoire autorisé et par des praticiens agréés (décret n°2008-321 du 4 avril 2008).                 Actuellement, 25 laboratoires en France réalisent des analyses d’Oncogénétique, dont 17 effectuent l’analyse des gènes MMR pour le diagnostic de syndrome de Lynch. Le diagnostic du syndrome de Lynch est complexe. En effet, la mutation peut se trouver dans n’importe quel gène MMR et n’importe où dans ces gènes ; elle peut être de différentes natures, nécessitant la mise en œuvre de techniques diverses. Ceci explique que les analyses puissent être longues et, parfois, ne pas aboutir. Il arrive aussi que certaines altérations identifiées soient difficiles à interpréter, d’où l’importance pour les laboratoires de travailler en Réseau  afin de partager leurs expériences (Réseau National des Laboratoires d’Oncogénétique Digestives, coordonné par le Dr Sylviane Olschwang, Institut Paoli Calmettes, Marseille). Le laboratoire travaille également en lien étroit avec les cliniciens, permettant de personnaliser la prise en charge.

En pratique, l’identification de la mutation est réalisée chez une personne qui a déjà eu un cancer. L’analyse est réalisée sur l’ADN extrait à partir d’un prélèvement de sang (réalisé au cours de la consultation de génétique). Lorsqu’une mutation est identifiée, elle fait l’objet d’un compte-rendu indiquant le nom du gène et le type de mutation identifié qui est transmis au prescripteur. Ce type d’analyse peut être long : plusieurs mois, voire plusieurs années en l’absence de mutation identifiée et dans l’attente de nouvelles avancées concernant le diagnostic (identification de nouveaux gènes, de nouveaux types de mutations…).

Le second type d’analyse génétique, correspond au diagnostic prédictif chez des apparentés. Celui-ci n’est possible que si la mutation responsable de la maladie a été identifiée. Le diagnostic est beaucoup plus simple et rapide (quelques semaines) consistant à rechercher directement la mutation préalablement identifiée dans la famille.

M-P Buisine – Oct 2011

La consultation d’oncogénétique

Dr Olivier Caron 
Oncogénéticien, Hôpital Civil & Lab. de Génétique Faculté de Médecine – Strasbourg

Devant toute suspicion de maladie génétique ou de terrain de prédisposition permettant d’expliquer la maladie de son patient, tout médecin peut vous adresser en consultation de génétique. Dans le cadre des prédispositions au cancer, le patient est adressé dans un service d’oncogénétique. C’est évidemment le cas pour les suspicions de syndrome de Lynch, dénomination synonyme et préférée à HNPCC.
A quoi sert la consultation ?
Elle sert à évaluer la possibilité d’un terrain de prédisposition et, dans la mesure du possible, à l’identifier avec certitude.Lors de la consultation, le médecin oncogénéticien demande les informations concernant l’histoire médicale personnelle (les « antécédents ») et familiale, en privilégiant les antécédents de tumeurs. Il est donc recommandé de prendre les renseignements au préalable ou de rassembler ses souvenirs. Dans certains cas, le médecin est remplacé par un conseiller en génétique : c’est un professionnel de santé qui n’est pas médecin, mais qui a reçu une formation très poussée en génétique. Il travaille toujours sous la responsabilité et par délégation d’un généticien.
A partir des informations transmises, un arbre généalogique est élaboré. En fonction du nombre, des organes touchés par le cancer, et surtout des âges au moment où la tumeur a été découverte, la possibilité de l’existence d’un terrain de prédisposition est évaluée. Attention, on considère séparément les tumeurs de la branche familiale paternelle de celle de la branche maternelle : les patrimoines génétiques sont différents. 
Le syndrome de Lynch est évoqué devant l’association dans une même branche familiale d’au moins deux cas de cancers du colon et/ou de l’endomètre chez des personnes apparentées au « premier degré » (frères, sœurs, père, mère, enfants). Un cas doit être diagnostiqué avant l’âge de 50 ans. Il s’agit d’une suspicion plus ou moins forte, en fonction du nombre et des âges au diagnostic des cancers.
Si la suspicion est forte, une surveillance est proposée à tous les apparentés proches (colon et endomètre). Une prise de sang est proposée à la recherche d’une anomalie dans l’un des gènes associés au syndrome de Lynch. Eventuellement, on demande qu’elle soit réalisée chez une autre personne. En effet, l’analyse initiale est menée chez la personne pour laquelle la probabilité d’identifier le terrain est la plus grande. Il s’agit de la personne qui a développé le cancer le plus jeune dans la famille. En règle générale, il est impossible à ce stade de proposer la prise de sang chez une personne qui n’a pas fait de cancer.

Quel est le rapport entre les gènes et le syndrome de Lynch ?
Notre « patrimoine génétique », véritable « plan » de construction et de fonctionnement de notre corps, est composé d’environ 30 000 gènes. Chaque personne possède globalement les mêmes gènes, mais, parfois, l’un d’eux comporte une anomalie qui empêche son utilisation : on parle de mutation.
Chacune de nos cellules a un cycle particulier : elle naît à partir d’une autre cellule, va remplir sa fonction dans notre organisme et, dans certains cas, va disparaître en se divisant pour donner naissance à deux cellules filles qui, à leur tour, accompliront le même cycle. Avant de se diviser, la cellule va recopier son patrimoine génétique. Irrémédiablement, elle va commettre des erreurs. Ceci en règle générale ne pose pas de problèmes : chaque cellule dispose d’un système de correction d’erreur. Cela évite de transmettre une anomalie qui empêcherait la cellule fille de fonctionner correctement.
Dans le syndrome de Lynch, c’est l’un de ces mécanismes de correction qui est défaillant. A cause d’une anomalie dans l’un ou l’autre des gènes composant ce dispositif, certaines erreurs ne sont pas corrigées. Plus le patrimoine génétique comporte d’erreurs, plus il en apparaît : elles surviennent donc en cascade. Petit à petit, au fil des générations de cellules, le risque de transformation en cancer va s’accroître chez la personne. Le cancer résulte en effet d’une perte de contrôle du patrimoine génétique.
Pour les cancers du colon, avant de se transformer en cancer, une cellule va passer par une étape intermédiaire : une tumeur bénigne que l’on appelle polype. Dans le cas particulier du syndrome de Lynch, la vitesse de transformation du polype en cancer va être très supérieure à celle du polype d’une personne sans prédisposition.
Egalement, des traces de l’absence d’efficacité du système de réparation peuvent être retrouvées dans le cancer. Lorsque le système est défaillant, on retrouve une « instabilité des marqueurs microsatellites », autrement appelée RER. Les marqueurs microsatellites sont des régions de notre patrimoine génétique dont la taille varie d’une personne à l’autre. S’il n’y a pas de réparation, la tumeur en recopiant ces régions va commettre des erreurs. Pour une région donnée, la taille va donc varier entre la tumeur et des cellules normales. La tumeur se trompant plusieurs fois, de nombreuses tailles sont présentes dans la tumeur. Cet examen, réalisé sur la pièce opératoire, est l’un des éléments majeurs à prendre en compte avant de faire la prise de sang en consultation d’oncogénétique.
A partir de la prise de sang réalisée, le laboratoire peut « lire » les quelques gènes associés au syndrome de Lynch, à la recherche d’une erreur. Analyser les gènes est un travail complexe et très long. Cela prendplusieurs mois avant d’avoir un résultat. Celui-ci ne peut être rendu qu’au cours d’une nouvelle consultation.

Deux situations peuvent alors se présenter : 
Si aucune anomalie n’a été identifiée, on ne peut pas conclure qu’il n’existe pas de terrain prédisposant. En effet, il peut s’agir d’un autre gène encore inconnu.
Si une mutation est trouvée, le terrain est authentifié. Cela permettra de mieux prendre en charge la personne et surtout ses apparentés.
Que faire si le terrain n’est pas identifié ?
En fonction de l’histoire familiale, les mesures de surveillance sont maintenues, car on considère que le risque de développer un cancer chez eux est important. Ceci ne reste qu’une suspicion, mais l’on reste très prudent. C’est une situation inconfortable, puisqu’un certain nombre de personnes seront surveillées absolument pour rien. La surveillance des apparentés plus éloignés (petits enfants, cousins…) est également problématique et gérée au cas par cas.

Que faire si le terrain est identifié ? 
Cela permet de déterminer dans la famille qui a hérité du terrain et qui n’en est pas porteur.
Le risque d’avoir hérité du terrain de prédisposition est 50% pour les enfants d’une personne porteuse.Lorsqu’une mutation est trouvée chez quelqu’un, on lui demande de faire passer l’information dans la famille. Il devient le « messager ». Légalement, c’est la seule personne habilitée à le faire. Les apparentés sont invités à venir en consultation d’oncogénétique, afin que des précisions leur soient apportées. S’ils sont demandeurs, un test génétique à la recherche du terrain familial leur sera proposé. Quelques semaines après, le résultat sera rendu au cours d’une nouvelle consultation. Ces tests ne peuvent être prescrits que par les oncogénéticiens qui travaillent en collaboration étroite avec des psychologues.

Si la personne a hérité du terrain : les mesures de surveillance seront maintenues. Il aura également 50% de risque d’avoir transmis la mutation à chacun de ses enfants. Il faut alors garder en mémoire que la génération suivante aura à faire la même démarche.
Si la personne n’a pas hérité du terrain . Elle n’a donc a priori pas de risques supplémentaires de développer un cancer : on la rassure et la surveillance n’est pas indiquée. Ceci permet également de rassurer ses enfants et tous ses descendants, puisque l’on ne peut transmettre quelque chose que l’on n’a pas reçu .
Il s’agit là d’une démarche volontaire. Si l’apparenté ne souhaite pas faire le test, il faut qu’il poursuive la surveillance comme s’il était porteur.
L’objectif de la consultation d’oncogénétique est d’apporter les conseils de surveillance les plus pertinents pour une personne et ses apparentés. L’identification du terrain de prédisposition apporte la possibilité d’adapter la surveillance au cas par cas, tout en rassurant une bonne partie de la famille.

Dr Olivier Caron – novembre 2007

Création de la Spécialité Doctorale de Conseil Génétique

Professeur Hagay Sobol, Responsable du Département d’Oncologie Génétique, 
Prévention et Dépistage à l’Institut Paoli-Calemettes / CIC Inserm 9502 – Marseille

Le Pr Sobol nous a adressé un courrier en janvier 2009 pour nous annoncer :

 » Cette fois ci c’est officiel, nous venons de recevoir la notification par l’Université d’Aix-Marseille II de la création de la spécialité doctorale de Conseil Génétique dans le cadre de l’école doctorale des sciences de la vie et de la santé (EDSVS), mention pathologie humaine.
L’Université Aix-Marseille II est la première université française à avoir organisé un tel enseignement, véritable modèle de formation débouchant sur un nouveau métier en santé.
Il s’agit de la première filière selon le dispositif LMD professionnel. Cette filière a été conçue pour favoriser à la fois l’émergence de nouveaux champs de recherche finalisée et surtout pour permettre l’acquisition denouvelles compétences qui seront ensuite mises en application.
Un des éléments importants est le fait que ces professionnels peuvent réaliser leur thèse tout en restant en poste (donc il n’y aura peu ou pas de recours aux bourses, ce qui est crucial en cette période de raréfaction de moyens) et que dans les textes officiels, il est reconnu une dimension recherche de cette nouvelle profession. Ce dispositif a été conçu pour faciliter les co-tutelles. « 

Que fait le Conseil en Génétique ? Ces professionnels en santé, auxiliaires du généticien, font partie de l’équipe médicale pluridisciplinaire prenant en charge toutes les formes de pathologies génétiques et de diagnostics prénatal.
En particulier, les conseillers en génétique ont un rôle d’information en aidant les patients et leurs familles à mieux comprendre le mode de transmission et les risques liés à ces maladies, les possibilités de dépistage voir de la prévention et ils sont impliqués dans le suivi et la prise en charge médico-sociale et psychologique.

Quel type d’enseignement ? Il a été mis en place un enseignement de type Master sur 2 ans (M1 et M2) de haut niveau qui s’appuie en partie sur les enseignements dispensés dans le cadre du DU/CEU (diplôme universitaire et certificat d’étude universitaire) d’oncogénétique et pathologies génétiques, à la fois sur le plan des sciences biologiques, sociales, humaines et médicales, destiné aux futures professionnels en santé, non médecins amenés à prendre en charges des pathologies à composante héréditaire.

Pr Hagay Sobol – l’Institut Paoli-Calemettes – Janvier 2009

Quelles évolutions pour l’oncogénétique en France en 2009 ?

Un groupe de travail, coordonné par le Dr Catherine Bonaïti-Pellié (Inserm U535) et mis en place par l’INCa, vient de remettre son rapportNous nous sommes permis d’extraire des informations qui nous concernaient plus particulièrement, mais nous vous conseillons de lire la totalité du rapport sur le site de l’INCa.

2.1 L’activité d’oncogénétique en France L’identification de gènes de prédisposition a permis l’introduction de nouvelles analyses génétiques destinées aux personnes dont les antécédents médicaux personnels et/ou familiaux sont évocateurs d’une forme héréditaire de cancer : agrégation familiale de cancers, précocité du cancer, développement de plusieurs cancers primitifs chez la même personne.
Ces analyses génétiques concernent à la fois des personnes malades (cas index) mais également des membres non malades de leur famille (apparentés). Elles ne portent, dans l’état actuel des connaissances, que sur les gènes majeurs de prédisposition.
La prescription médicale de ces analyses d’oncogénétique moléculaire est faite au sein d’une consultation labellisée d’oncogénétique. Ces consultations gratuites, permettent de recueillir et valider les antécédents médicaux et familiaux, d’évaluer la probabilité de l’existence d’une prédisposition héréditaire au cancer, d’informer la personne des caractéristiques de la prédisposition envisagée et des modalités de prévention et de dépistage et de proposer, si les critères sont réunis, une analyse génétique. L’équipe médicale doit également s’assurer de la volonté de la personne informée de se soumettre au test, reposant sur une prise de sang, et gérer la transmission du résultat dans des conditions éthiques avec un suivi médical et psychologique.
Ces analyses, gratuites pour les patients, sont réalisées par des laboratoires d’oncogénétique moléculaire spécialisés et labellisés.

2.2.1 Utilité clinique des consultations et des tests 
Cancers colorectaux
L’utilité clinique de l’identification et de la prise en charge des personnes prédisposées est très importante, avec une amélioration de la survie considérable chez les personnes dépistées pour le côlon et le rectum. Chez les sujets asymptomatiques porteurs d’une mutation d’un gène MMR exposant au syndrome de Lynch, la surveillance repose sur l’endoscopie colorectale complète avec chromoscopie par indigo-carmin, cet examen devant être réalisé tous les 1 à 2 ans. Une surveillance particulière de l’utérus est proposée. L’hystérectomie avec ovariectomie prophylactique peut être envisagée chez les femmes porteuses d’une mutation d’un gène MMR, à partir de 35 ans après tout projet parental (voir annexe 4 du rapport  » Recommandations actuelles pour la prise en charge médicale des personnes porteuses d’une prédisposition « ). 

En ce qui concerne l’identification des personnes prédisposées, les recommandations actuelles préconisent de rechercher dans tout cancer colorectal une forme particulière d’instabilité génétique, l’instabilité microsatellitaire (microsatellite instability ou MSI), détectable en routine. En effet cette instabilité microsatellitaire constitue une véritable signature de l’altération des gènes MMR. Ainsi tout patient(e) de moins de 60 ans présentant un cancer colorectal voire de l’endomètre de phénotype MSI peut être orienté(e) vers une consultation d’oncogénétique. L’application de ces critères permettrait de détecter plus de 90% des personnes mutées atteintes. En attendant que la pratique de la recherche du phénotype MSI se généralise en France, l’identification des personnes prédisposées au syndrome de Lynch repose principalement sur les critères familiaux, dont la sensibilité n’est que de 40%. 

2.3.3 Propositions d’optimisation de l’organisation d’oncogénétique 
Maintenir et renforcer le dispositif
Le groupe de travail souligne, face à l’augmentation prévisible de l’activité d’oncogénétique, l’importance d’un encadrement étroit de cette activité et insiste sur l’importance de la prescription des tests d’oncogénétique au sein d’une consultation dédiée (et ce, même pour une personne atteinte d’un cancer). Ceci, pour plusieurs raisons : d’une part, la recherche d’une mutation n’est pas anodine et peut avoir des répercussions tant physiques que psychologiques. D’autre part, la personne doit être parfaitement informée des implications d’un test génétique et de ses possibles conséquences sur d’autres membres de la famille. Enfin, l’interprétation du résultat du test génétique est complexe et est, de ce fait, du ressort de l’oncogénéticien.
Optimiser l’organisation et augmenter la capacité d’absorption.

En termes d’organisation, l’effort doit être concentré sur la qualité et l’efficacité de l’identification et de la prise en charge des personnes réellement à risque.Extraits du rapport remis à l’INCa – dossier de Presse du 3 Février 2009

Examens biologiques, délais, mode d’emploi contrôle qualité, comparatifs pays européens concernant l’analyse des gènes MMR

Sylviane Olschwang – Institut Paoli-Calmettes et Centre de Recherches en Cancérologie de Marseille (UMR891) – octobre 2009

Le réseau des laboratoires prenant en charge les analyses génétiques constitutionnelles des personnes ayant un risque de prédisposition héréditaire au cancer colorectal a vu le jour en 2000. Il a pour objectifsd’harmoniser les méthodes d’analyse moléculaire, de développer et valider les nouvelles techniques, de définir les stratégies optimales au regard des demandes des médecins prescripteurs, et de fédérer les activités de recherche clinique à même d’améliorer la prise en charge médicale. Pour cela, il s’est réuni tous les 4 mois jusqu’en 2008, et a adopté le rythme d’une réunion semestrielle à partir de 2009.

Ses travaux ont permis la publication de 11 observations originales dans des revues scientifiques internationales. Il contribue à l’enrichissement de la base nationale des mutations des gènes MMR, en discutant systématiquement l’interprétation des résultats qui ne permettent pas une conclusion médicale ; en d’autres termes, lorsque certaines variations des gènes MMR sont identifiées au cours des analyses, il n’est pas toujours possible de dire formellement si elles sont ou non la cause d’un syndrome de Lynch.

 Le travail du réseau consiste alors à réunir le maximum d’arguments permettant d’aider à conclure ou à proposer des analyses biologiques complémentaires, voire le développement de techniques spécifiques. 

Le réseau promeut la participation à des contrôles de qualité, qui sont des facteurs d’amélioration des performances. Les laboratoires, pour réaliser des analyses génétiques constitutionnelles dans un but médical, ont une obligation légale d’agrément à la fois des locaux et des praticiens. L’ensemble des laboratoires du réseau est en outre dans une démarche d’accréditation ou de certification. La synthèse de cette activité, financée par l’INCa, témoigne de la performance des laboratoires, qui identifient une mutation dans un gène MMR chez environ 25% des patients pour lesquels l’analyse a été prescrite. Elle témoigne également de la qualité des prescriptions, les recommandations d’analyse proposées en 2003 ayant été faites pour qu’une analyse soit prescrite aux patients si leur probabilité d’être porteur d’une mutation est supérieure à 0,20.

Au-delà de l’organisation nationale, l’Europe a plus récemment mis en place une structure appeléeEuroGentest qui a à peu près les mêmes objectifs que notre réseau, dépassant toutefois largement le cadre du syndrome de Lynch, puisqu’elle brosse les pratiques de l’ensemble de la génétique, moléculaire et médicale. Cette structure produit des « cartes génétiques » spécifiques à chaque syndrome, et intègre le réseau européen de contrôle de la qualité des examens de génétique moléculaire EMQN, qui organise annuellement un contrôle externe pour les maladies génétiques les plus fréquentes. Depuis leur mise en place, la France contribue de manière majeure à l’organisation de ces contrôles pour les gènes MMR et les gènes BRCA, auxquels les laboratoires participent chaque année davantage. Concernant le syndrome de Lynch, elle a également en charge la maintenance de sa « carte génétique ».

D’une manière générale, les performances des laboratoires se sont significativement améliorées, avec un quasi- « sans faute » en 2008 pour ce qui est des résultats expérimentaux, et encore un effort à faire pour leur interprétation (en 2008, 81 laboratoires de 22 pays différents ont participé, et leur nombre dépasse la centaine en 2009). Cette dernière étape, sans aucun doute la plus difficile du parcours analytique, bénéficie désormais grandement des travaux du réseau et de la base nationale de mutations, la totalité des connaissances concernant chaque variation des gènes MMR étant accessible à tous les laboratoires membres. 

>> Bilan et chiffres

Dr Sylviane Olscwhang – Octobre 2009

La mutation – Le phénotype RER – Le cancer

Dr Isabelle Mortemousque Service de Génétique -Hôpital Bretonneau CHRU de Tours (Tours 2010 & Fév 2011)

L’identification, dans une famille, d’un Syndrome de HNPCC/Lynch est maintenant fréquemment guidée par le résultat du phénotype RER étudié sur la pièce opératoire. Ce phénotype RER, également nommé phénotype MSI ou instabilité des microsatellites, est le reflet de l’effet de la mutation génétique sur certaines cellules de l’organisme.

Pour comprendre ce mécanisme, il faut se souvenir de plusieurs points importants :
L’ensemble de notre patrimoine génétique (environ 30 000 gènes) est présent dans chacune de nos cellules. Nos gènes sont portés par la molécule d’ADN, qui peut être comparée à un filament de diamètre infiniment petit mais extrêmement long (en agrandissant ce filament avec le diamètre d’un cheveu, celui-ci atteindrait 8 km de long !!!)
Tous nos gènes sont présent en 2 copies : une copie maternelle, une copie paternelle.
– Chaque gène peut être considéré comme une « recette de cuisine » qui permet à la cellule de fabriquer la protéine correspondante qui elle est active. L’ADN fonctionne avec un alphabet à 4 lettres : A, T, C, G. C’est la succession de ces lettres, dans un ordre bien précis (la séquence) qui caractérise un gène. Cette séquence est alors reconnue par la cellule qui peut fabriquer la protéine correspondante (si elle en a besoin pour son fonctionnement).
Etre porteur d’une mutation génétique du syndrome de Lynch signifie que toutes nos cellules portent un défaut génétique sur 1 copie du gène (notamment nos cellules reproductrices – ovaires ou testicules – ce qui explique que cette mutation puisse être transmise à la descendance). L’autre copie du gène étant présente et normale, la protéine peut toutefois être fabriquée.
– Les organes à risque sont ciblés car l’impact de ce défaut génétique va se manifester au sein d’organes à renouvellement cellulaire rapide (colon et utérus préférentiellement).
– Nos cellules se renouvellent régulièrement et ce de façon physiologique ; quand une cellule meurt, une cellule voisine se divise pour rétablir le stock cellulaire. En se divisant, cette cellule doit recopier l’ensemble de son patrimoine génétique ; ce qui correspond à des milliards d’informations qui doivent être recopiées fidèlement, sans erreur, sans faute d’orthographe … Par comparaison, cette banque de données est assez grande pour remplir une encyclopédie de 900 volumes …
A chaque division cellulaire, la cellule « mère » dispose d’un dispositif complexe ayant pour but de recopier le patrimoine génétique complet (tous les gènes) afin de le transmettre à la cellule « fille ». Il paraît donc extrêmement difficile à la cellule d’assurer un recopiage fidèle et les « fautes d’orthographe » (ou erreurs de copie) sont fréquentes mais sont, pour la plupart, sans conséquence.

Rappelons-nous toutefois qu’un individu porteur d’un syndrome de Lynch est porteur d’un défaut génétique sur l’une des 2 copies d’un gène MMR (MLH1, MSH2, MSH6 ou PMS2), l’autre copie du gène étant normale
. De par le renouvellement cellulaire incessant au sein des muqueuses notamment coliques et utérines, les fautes d’orthographes sont fréquentes lors des divisions cellulaires et peuvent concerner la copie normale du gène MMR impliqué. Dans ce dernier cas la cellule ne disposera plus de copie normale du gène impliqué et ne sera donc plus capable de fabriquer la protéine active correspondante.

Les protéines MMR, fabriquées à partir des gènes MMR, ont pour but de repérer les erreurs de copie lors du recopiage de l’ADN (les « fautes d’orthographes). Si ce système est défaillant, les erreurs de copie auront tendance à s’accumuler lors des divisions cellulaires successives. En effet, une cellule qui aura « perdu » les 2 copies du gène MMR impliqué, ne disposera plus du système de corrections des erreurs de copie. Cette cellule, en se divisant : – d’une part, transmettra, à la cellule fille, les 2 copies anormales du gène MMR, – et d’autre part, recopiera son ADN avec un nombre plus important d’erreurs de copie car le système de correction ne fonctionne pas correctement.

Le dysfonctionnement de ce système de correction des erreurs de copie a deux principales conséquences :
1) Une instabilité des microsatellites (ou phénotype RER ou MSI). Les microsatellites sont des portions de l’ADN caractérisées par des séquences répétées de nombreuses fois.
Prenons l’exemple d’un motif « CG » répété 10 fois pour un individu donné dans chacune de ces cellules : « CGCGCGCGCGCGCGCG ». Ces séquences répétées sont situées entre les gènes et n’ont pas, à priori, de rôle précis identifié ; mais ces séquences sont évidemment transmises lors des différentes divisions cellulaires. Les cellules ont cependant beaucoup de difficultés à recopier fidèlement ces motifs répétés avec une tendance à diminuer ou à augmenter le nombre de répétitions initiales. Les protéines MMR, quand elles fonctionnent correctement permettent de stabiliser le nombre de répétitions : 10 répétitions dans la cellule « mère » Þ 10 répétitions dans la cellule fille.
Quand le système MMR dysfonctionne (anomalie sur les 2 copies du gène), la cellule n’a plus la capacité de recopier fidèlement ces motifs répétés, il en découle une instabilité du nombre de répétitions de ces microsatellites lorsque l’on étudie plusieurs cellules (d’un polype ou d’un cancer colique) : 8 répétitions dans certaines cellules, 10 dans d’autres, 12, 14, 18, 20 ….

2) Une augmentation du risque d’apparition de pathologies cancéreuses par la multiplication des erreurs de copie qui peuvent se localiser sur des gènes impliquées dans la voie de la cancérogenèse.
Au total, le phénotype RER (ou phénotype MSI, ou instabilité des microsatellites) permet actuellement d’affiner le dépistage des situations personnelles ou familiales pouvant être évocatrices d’un syndrome de HNPCC/Lynch. Cette pathologie est donc secondaire à la présence d’un défaut sur l’une des deux copies du gène impliqué et le phénotype RER apparaît dans une cellule, ou plutôt un groupe de cellules qui ont, à la faveur des divisions cellulaires, « perdu » la copie normale du gène.

I. Mortemousque – Fév 2011