Syndrome de Lynch et tube digestif

Pr. Jean-François Bretagne
Service des maladies de l’appareil digestif – Hôpital Pontchaillou – CHU Rennes

                                                                 Cancer colorectal

Le risque de cancer colorectal (CCR) est très élevé chez les personnes porteuses d’une mutation d’un des gènes impliqués dans le syndrome de Lynch, plus encore avec certains gènes que d’autres. C’est la raison pour laquelle il est proposé de réaliser des coloscopies chez ces personnes, soit pour déceler et réséquer des polypes adénomateux – appelés adénomes – avant qu’ils ne se transforment en cancer, soit pour faire le diagnostic de cancer à un stade précoce où il est curable.

Les coloscopies doivent être faites à partir de l’âge de 20 ans, tous les 1 à 2 ans. On adopte en général le rythme d’une coloscopie tous les 2 ans, mais ce délai entre 2 examens peut être réduit à un an lorsque des adénomes sont découverts. Les coloscopies se font habituellement sous anesthésie générale et elles doivent être complètes, c’est-à-dire permettre l’examen de la totalité du côlon. La préparation doit être d’excellente qualité pour pouvoir visualiser et réséquer de petits polypes qui en cas de Lynch peuvent être déjà cancéreux. C’est dire la nécessité d’un régime sans résidus bien suivi pendant au minimum 3 jours avant la coloscopie et d’une purge dont les modalités rendent aujourd’hui la préparation parfaitement acceptable. Le gastroentérologue qui pratique la coloscopie doit utiliser un colorant, l’indigo-carmin, pour se donner toutes les chances de démasquer de petites lésions difficiles à voir spontanément. Les colorations électroniques disponibles sur certains types de coloscopes ne remplacent pas cette coloration. Toutes ces précautions, préparation bien faite et examen minutieux, devraient conduire à une diminution du nombre de cas de cancer d’intervalle diagnostiqués entre 2 coloscopies.

                                                                Cancer de l’estomac

Le risque cumulé de cancer de l’estomac chez les personnes porteuses d’une mutation est d’environ 5%. Pour cette raison, il est recommandé d’effectuer une fibroscopie lors de la première coloscopie, dans le but de rechercher une contamination de l’estomac par Helicobacter pylori qui est un facteur cancérigène reconnu pour l’estomac. Lorsqu’une infection est présente (20 % des personnes jeunes), on proposera d’éradiquer Helicobacter pylori à l’aide d’un traitement antibiotique et de vérifier ensuite que l’éradication a été obtenue. Les avis divergent quant à la nécessité de refaire des fibroscopies systématiques ensuite. Pourtant, l’anesthésie générale nécessaire à la réalisation de la coloscopie facilite la surveillance de l’estomac lors de chaque coloscopie. La fibroscopie permet aussi l’examen du duodénum, qui est potentiellement le siège de cancers au cours du syndrome de Lynch.

                                                        Cancers digestifs et aspirine

Il a été montré que chez des hommes fumeurs ayant des problèmes cardiaques nécessitant de prendre de l’aspirine, l’aspirine diminuait significativement le risque de CCR et de mortalité par CCR. Au cours du syndrome de Lynch, l’étude CAPP2 a montré que la prise régulière d’aspirine pendant au moins 2 ans entraînait une réduction du risque de CCR de 60 % versus un placebo. De plus, l’aspirine pourrait être bénéfique pour d’autres cancers que le CCR. Une nouvelle étude internationale CAPP3 vient de débuter en 2013 pour déterminer quelle est la meilleure dose d’aspirine. Cette étude compare 3 dosages d’aspirine différents, 600, 300 et 100 mg/j. La dose utilisée dans l’étude CAPP2 était de 600 mg/j, mais des doses moindres sont peut-être tout aussi efficaces. Faut-il que toutes les personnes atteintes d’un syndrome de Lynch prennent de l’aspirine ou ne faut-il réserver l’aspirine qu’aux personnes ayant déjà fait un CCR ou des adénomes du côlon ? Nul ne sait répondre à cette question. La réponse est difficile, car la prise d’aspirine expose au risque de complications hémorragiques, notamment d’hémorragies digestives, ce qui pose la question de la balance bénéfice-risque. Dans l’attente d’une réponse scientifique claire, la question mérite d’être débattue entre chaque personne concernée et son médecin.

Professeur Jean-François Bretagne – Hopital Pontchaillou – CHU Rennes 2013