La coloscopie dans le dépistage du cancer colorectal : mode d’emploi

Pr Etienne DORVAL – Hépato-gastro-entérologie – CHRU de Tours (Tours Octobre 2010)

La coloscopie totale est l’examen de choix pour le dépistage du cancer colorectal. Elle permet chez des sujets sans symptômes, de découvrir des polypes ou des cancers à un stade précoce c’est-à-dire pour lesquels un traitement par coloscopie ou chirurgie simple conduit, dans la majorité des cas, à la guérison sans chimiothérapie. L’objectif de ce dépistage est de réduire la mortalité par cancer colorectal. Dans ce cadre les indications de la coloscopie (pour qui, quand, à quel âge, avec quelle fréquence ?) sont très variables et directement liées au risque individuel de cancer colorectal du sujet. L’évaluation du niveau de risque personnel de cancer colorectal est donc un élément particulièrement important pour indiquer utilement cet examen qui n’a, certes, que très peu de complications mais nécessite une préparation intestinale soigneuse et une anesthésie au cours d’une hospitalisation ambulatoire.

Schématiquement on distingue 3 niveaux de risque pour le cancer colorectal. Le risque moyen (cancer ‘sporadique’) est celui de la population générale. En France on estime ce risque à environ 4 % ; ceci signifie qu’un français sur 25 environ aura un cancer colorectal au cours de sa vie en dehors de tout contexte de risque élevé ou très élevé. 75% environ des cancers observés correspondent à ce risque.

Le risque élevé (familial) est celui des sujets qui ont déjà eu un ‘gros’ polype adénomateux ou un cancer colorectal ou dont un parent au 1er degré a été lui-même atteint avant 60 ou 65 ans d’un cancer colorectal ou d’un gros polype adénomateux du côlon. Ce risque est 2 à 3 fois plus élevé que celui de la population générale et concerne environ 20% des cancers colorectaux observés.

Le risque très élevé (génétique) concerne les sujets ayant une prédisposition héréditaire au cancer colorectal en particulier dans la polypose adénomateuse familiale, les polyposes atténuées et le syndrome de Lynch (HNPCC). Le risque de cancer colorectal est ici le plus élevé variant d’une affection à l’autre de 40 à 100%. L’histoire familiale, les données obtenues sur un sujet index de la famille et l’identification du gène en cause sont des éléments capitaux de l’évaluation de ce risque qui concerne environ 5% de la population. Les indications de la coloscopie dans le dépistage du cancer colorectal sont adaptées à ces niveaux de risque mais il faut rappeler que, quel que soit le niveau de risque, les indications de la coloscopie de dépistage énoncées ci-dessous ne concernent que les sujets sans symptômes et que la présence de symptômes (douleurs, sang rouge dans les selles, troubles du transit etc.) est certes une autre indication potentielle de la coloscopie mais à visée diagnostique cette fois.

Pour le risque moyen (sporadique) la coloscopie est indiquée dans le cadre du dépistage organisé du cancer colorectal. Ce dépistage s’adresse aux sujets asymptomatiques âgés de 50 à 74 ans sans antécédents familiaux ou personnels de cancer colorectal. Il comporte la réalisation tous les 2 ans d’une recherche de sang microscopique dans les selles, actuellement par le test Hemoccult II®, et la pratique d’une coloscopie seulement si le test de recherche de sang est positif (soit environ chez 2 % des sujets).

Pour le risque élevé (familial) la coloscopie est indiquée dans la famille au 1er degré des sujets atteints d’un cancer colorectal à un rythme de tous les 5 ans en commençant à 45 ans ou 5 ans avant le cas index.

Pour le risque très élevé (génétique) la coloscopie est indiquée tous les 1 à 2 ans en commençant vers 10 ans dans la polypose familiale, 20 ans dans le syndrome de Lynch et 30 ans dans les polyposes atténuées. D’autres dépistages (gynécologiques, digestifs, urinaires etc.) peuvent être également associés chez ces sujets exposés également à d’autres cancers.

Les résultats de ces stratégies de dépistage
ont été évalués ; tous conduisent à une réduction importante de la mortalité par cancer colorectal qui va d’environ moins 30% dans la population soumise au dépistage organisé pour le risque moyen à moins 80-90% chez les sujets avec antécédent familial et moins 60-70% dans le syndrome de Lynch… sous réserve de la participation effective au dépistage ce qui montre que le cancer colorectal peut être prévenu et dépisté et que l’important est de participer selon des modalités adaptées au niveau de risque individuel de cancer.

Pr Etienne Dorval – Nov 2010