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La chirurgie du côlon et du rectum dans le syndrome HNPCC/Lynch

Pr L de Calan, Service de chirurgie digestive, endocrinienne et de transplantation hépatique, Hôpital Trousseau, 37044 Tours cedex 9 (Tours Oct 2010)

La chirurgie du côlon et du rectum chez les patients ayant un syndrome HNPCC/Lynch soulève 3 questions : 1/ que faire en cas de cancer du côlon ? 2/ que faire en cas de cancer du rectum ? 3/ y-a-t’il une place pour la chirurgie préventive ?

1/ Que faire en cas de cancer du côlon ?

Le chirurgien doit enlever le côlon, faire ce que l’on appelle une colectomie emportant le cancer, mais il a le choix entre faire une colectomie segmentaire, conservant une partie du côlon, ou bien une colectomie totale. L’avantage de la colectomie totale est de prévenir le risque de survenue d’un second cancer colique. La colectomie segmentaire avec surveillance par coloscopie du côlon restant est une alternative raisonnable car l’efficacité de cette surveillance est démontrée pour prévenir la survenue d’un second cancer colique. Colectomie totale et segmentaire ont une mortalité postopératoire identique, entre 0,6 % et 3% suivant les études, et un taux de complications postopératoires identiques. Par contre, la colectomie segmentaire donne un meilleur résultat fonctionnel et une meilleure qualité de vie, même si les études dont nous disposons pour le démontrer ont un niveau de preuve assez faible.

En définitive, le choix entre colectomie segmentaire et totale doit être fait en concertation avec le patient, après l’avoir informé des risques et bénéfices des 2 techniques. Il faut également tenir compte de l’âge du patient, un patient jeune avec un cancer colique diagnostiqué précocement étant plutôt candidat à une colectomie totale. Dans les 2 cas, la surveillance par coloscopie du côlon et/ou du rectum restant est indispensable, ses modalités pratiques étant parfaitement définies dans les recommandations professionnelles.

La colectomie, segmentaire ou totale, doit-elle être faite par chirurgie conventionnelle (laparotomie) ou par cœlioscopie ? Le taux de complications chirurgicales des 2 techniques est identique mais la cœlioscopie donne moins de douleurs postopératoires, permet une reprise plus rapide du transit intestinal, aboutit à une durée d’hospitalisation plus courte. La cœlioscopie donne probablement moins d’adhérences postopératoires. Elle a enfin un avantage esthétique mais cet avantage, pour important qu’il soit, ne peut être un argument décisionnel majeur en matière de cancérologie.

2/ Que faire en cas de cancer du rectum ?


Il faut enlever le rectum, partiellement ou totalement, faire ce que l’on appelle une proctectomie. Deux questions se posent. La première est de savoir si le chirurgien peut ou non conserver l’anus. Si le chirurgien peut conserver l’anus, il fait une proctectomie avec un rétablissement du circuit intestinal, une anastomose, généralement protégée par une stomie ou anus artificiel temporaire que l’on supprime quelques semaines plus tard. S’il ne peut pas conserver l’anus, il fait une proctectomie avec un anus artificiel définitif. La 2ème question, que l’on conserve ou non l’anus, est de savoir s’il faut associer à la proctectomie une colectomie totale afin de prévenir le risque d’un cancer colique ultérieur.

La décision de conserver ou non l’anus repose sur le respect des règles carcinologiques de la proctectomie pour cancer du rectum avec la nécessité d’avoir une marge de section sous la tumeur d’au moins 1 centimètre. La décision de faire une colectomie totale associée à la proctectomie doit être mise en balance avec la surveillance par coloscopie du côlon restant dont l’efficacité est démontrée, comme cela a déjà été dit à propos de cancer du côlon.

Si la conservation de l’anus est possible, le choix se fait entre proctectomie avec anastomose colo-anale avec réservoir et coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale avec réservoir. Les 2 interventions ont une mortalité postopératoire identique, environ 2%, et un taux de complications postopératoires identique. Par contre, l’anastomose colo-anale donne un meilleur résultat fonctionnel avec, en particulier, un nombre de selles/24 h moins élevé. En définitive, le choix entre les 2 interventions doit être fait en concertation avec le patient, après l’avoir informé des risques et bénéfices des 2 techniques. Il faut également tenir compte de l’âge du patient, un patient jeune avec un cancer rectal diagnostiqué précocement étant plutôt candidat à une coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale avec réservoir.

Si la conservation de l’anus n’est pas possible, le choix se fait entre proctectomie avec ablation de l’anus et colostomie définitive et coloproctectomie totale avec ablation de l’anus et iléostomie définitive. Le choix entre les 2 interventions doit être fait en concertation avec le patient mais il faut privilégier la première intervention car il y a moins de séquelles fonctionnelles après colostomie définitive qu’après iléostomie définitive.

La chirurgie du cancer du rectum peut-elle être faite par cœlioscopie ? La réponse est oui car la cœlioscopie a les mêmes avantages que pour la chirurgie du cancer du côlon, que l’on conserve ou non l’anus, que l’on fasse ou non une colectomie totale, Elle est cependant techniquement plus difficile que pour la chirurgie du côlon et demande une bonne expertise chirurgicale.

3/ Y-a-t’il une place pour la chirurgie préventive du côlon et du rectum ?

La réponse est non. Il n’y a pas d’indication à faire une colectomie ou une proctectomie préventive chez un patient ayant un syndrome HNPCC/Lynch et indemne de tout cancer du côlon et du rectum. Il peut y avoir de très rares exceptions chez des patients où la surveillance par coloscopie n’est techniquement pas possible du fait d’un côlon trop long et trop large (mégadolichocôlon) ou du fait de l’existence d’une diverticulose colique sévère.
Bibliographie B Buecher, S Kirzin, M Karaoui, Y Ansquer, Y Parc. Chirurgie prophylactique dans le cadre du syndrome HNPCC/Lynch. Recommandations professionnelles. Chirurgie prophylactique des cancers avec prédisposition génétique. Institut National de Cancer, décembre 2009. (www.e-cancer.fr)

Loik de Calan – Fév 2011

Traitements des Cancers du Côlon et du Rectum

Dr Bruno Buecher – CHU Nantes – Résumé de la présentation à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille

Les cancers du côlon et du rectum font partie des cancers les plus fréquents en France. En 2000, 36 257 nouveaux cas ont été diagnostiqués dans notre pays. Seuls 2% environ de ces cancers sont dus au syndrome HNPCC.
Néanmoins, le risque de développer un tel cancer chez les individus porteurs de cette prédisposition est élevé ce qui justifie la mise en œuvre d’une stratégie de dépistage systématique basée sur la coloscopie. Cet examen doit être réalisé tous les 2 ans, dans des conditions de préparation optimales, et en ayant recours à l’application d’un colorant à l’intérieur du côlon en cours de procédure (technique de  » chromoendoscopie « ). L’objectif n’est pas seulement de dépister un cancer à un stade précoce, mais également celui d’identifier et de réaliser l’exérèse des tumeurs bénignes préexistantes, les polypes adénomateux, avant qu’elles ne dégénèrent.

Actuellement, les modalités de prise en charge des cancers colorectaux survenant chez un sujet atteint de syndrome HNPCC sont identiques à celles des cancers colorectaux survenant dans la  » population générale « . La première étape consiste à réaliser un bilan d’extension à la recherche de métastases, c’est-à-dire de localisation de la maladie dans d’autres organes, principalement le foie et le poumon. Elle permet donc de distinguer les cancers qui restent localisés au côlon ou au rectum et les cancers métastatiques, c’est-à-dire ayant  » essaimés  » à distance.

Le traitement des cancers colorectaux localisés est basé sur la chirurgie . Celle-ci consiste à retirer la portion du côlon ou du rectum qui porte le cancer, ainsi que la graisse et les ganglions qui l’entourent.
Pour les cancers du rectum, cette chirurgie est généralement précédée d’une radiothérapie. La pièce opératoire est ensuite systématiquement étudiée au microscope (examen histologique). Cet examen permet de préciser deux éléments essentiels, qui conditionnent le risque de récidive après la chirurgie.
Il s’agit de la profondeur de l’infiltration de la paroi du côlon par la tumeur et de l’existence ou non de métastases ganglionnaires.
La présence de telles métastases est associée à un plus grand risque de récidive, ce qui justifie l’administration d’une chimiothérapie complémentaire, dite  » adjuvante « .
Cette chimiothérapie est débutée dans les 6 semaines qui suivent la chirurgie et dure 6 mois. Le produit de base est appelé 5-Fluorouracile
(5-FU). Il est administré par voie intraveineuse au moyen d’un dispositif préalablement mis en place sous la peau sous anesthésie locale et est le plus souvent bien toléré. Un certain nombre d’effets secondaires est néanmoins possible : nausées, vomissements, diarrhées, aphtes dans la bouche, rougeurs de la paume des mains et de la plante des pieds, diminution du taux de cellules sanguines. La perte des cheveux est rare, généralement peu importante et est réversible à l’arrêt du traitement.

Lorsqu’il existe des métastases dans d’autres organes au moment du diagnostic, la chimiothérapiedevient l’élément essentiel du traitement.
Elle est généralement plus  » lourde  » que la chimiothérapie adjuvante puisqu’elle associe le plus souvent au 5-fluorouracile un autre produit de chimiothérapie, l’oxaliplatine ou l’irinotécan. Ces deux derniers médicaments exposent à une augmentation du risque de survenue de nausées, de vomissements et d’une diminution du taux des cellules sanguines. L’oxaliplatine peut également être responsable d’une toxicité neurologique qui se traduit par l’apparition de fourmillements et d’une gène au niveau de l’extrémité des mains et des pieds, ainsi que par une sensation de blocage au niveau de la gorge.
Ces symptômes apparaissent principalement lors de l’exposition au froid. Ils apparaissent généralement après administration de plusieurs cures et sont lentement réversibles à l’arrêt du traitement.
En ce qui concerne l’irinotécan, il peut induire une chute importante des cheveux, ainsi qu’une diarrhée parfois profuse et qui doit faire l’objet d’un traitement antidiarrhéique précoce et à forte dose.
Dans tous les cas, la chimiothérapie est généralement administrée par cure de 2 jours tous les 15 jours et délivrée sur un mode ambulatoire, c’est-à-dire qu’elle ne nécessite pas d’hospitalisation.

L’exérèse chirurgicale de la tumeur colique ou rectale n’est pas systématique dans cette situation. Son indication est fonction de la taille de la tumeur et de l’évaluation du risque d’évolution vers une occlusion.
Lorsque la tumeur est volumineuse et que le risque occlusif est élevé, la chirurgie est réalisée avant la mise en route de la chimiothérapie.
La mise en place d’une prothèse colique sous endoscopie constitue une alternative possible à la chirurgie. En ce qui concerne les métastases hépatiques et/ou pulmonaires, la possibilité d’une exérèse chirurgicale doit également toujours être discutée initialement puis périodiquement en fonction de la réponse à la chimiothérapie d’une tumeur jugée initialement non résécable.

En tout état de cause, une telle chirurgie ne se conçoit que si elle permet d’envisager une exérèse complète de la tumeur.
Pour finir, il est important de souligner que des progrès très significatifs ont été réalisés au cours des dernières années en ce qui concerne le traitement des cancers colorectaux. En particulier, nous disposons depuis quelques mois de nouvelles possibilités de traitement. Il s’agit de médicaments de  » nouvelle génération  » , dont le mécanisme d’action est radicalement différent de celui des produits de chimiothérapie classiques et qui permettent d’obtenir des régressions de tumeurs résistantes aux différents protocoles de chimiothérapie conventionnelle.

Dr Bruno Buecher – CHU Nantes – Résumé de la présentation à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille – 23 oct 2004

Les cancers colorectaux à l’heure des thérapies ciblées

Pr Christophe Louvet (Service d’Oncologie Médicale, Hôpital Saint-Antoine, Paris)

Les thérapies dites « ciblées » constituent une évolution majeure de ces dernières années en cancérologie en général et en cancérologie digestive en particulier. Ces thérapeutiques sortent du cadre habituel de la chimiothérapie anticancéreuse, dont le principe consiste à détruire les cellules en voie de multiplication, pour entrer dans le domaine des cibles moléculaires à l’origine des proliférations tumorales. Les thérapeutiques  » ciblées  » devraient, au moins en théorie, avoir une spécificité d’action, dirigée contre les cellules tumorales par rapport aux cellules saines, contrairement à la chimiothérapie cytotoxique. Cette spécificité d’action permet d’obtenir un meilleur rapport efficacité / tolérance du traitement.

De nombreuses cibles potentielles sont en cours de définition et seront précisées ultérieurement avec comme arrière pensée la mise au point pour chacune des cibles individualisées d’un médicament ou d’une classe de médicaments spécifiquement dirigés contre les différentes cibles. Cette recherche ouvre un formidable champ de développement pour les années futures. Le nombre de médicaments potentiellement actifs devrait augmenter de façon exponentielle dans les années qui viennent.

Dans les cancers colorectaux métastatiques deux thérapies ciblées ont démontré leur efficacité en situation métastatique.

– Les molécules ciblées sur le récepteur EGF (Epidermal Growth Factor).
Ce sont : le cétuximab (ERBITUX®), l’erlotinib (TARCEVA®) et le gefitinib (IRESSA®).

 Un anticorps monoclonal anti-VEGF (Vascular Endothelium Growth Factor) :
le bevacizumab (AVASTIN®).

1- Les anti-EGF récepteurs
La prolifération des cellules (normales ou anormales) est sous la dépendance de nombreux facteurs propres à la cellule ou extérieurs à celle-ci. Parmi ces facteurs, l’EGF est un puissant stimulant de la prolifération cellulaire. Cette protéine se fixe sur un récepteur à la surface de la cellule cible ; cette fixation entraîne un signal intracellulaire qui déclenche une cascade d’évènements qui vont aboutir à la prolifération cellulaire. Le récepteur à l’EGF est présent sur pratiquement toutes les cellules, tumorales ou normales, mais il existe une  » surexpression  » souvent importante du récepteur à l’EGF à la surface des cellules tumorales et en particulier des cellules tumorales digestives ; ce qui en fait une cible séduisante en particulier pour traiter les cancers colo-rectaux.

Si les études cliniques ont montré que les anti-EGF récepteurs (essentiellement le cétuximab) étaient capables d’induire des réponses thérapeutiques chez des patients réfractaires à la chimiothérapie (deuxième ou troisième ligne de traitement) deux phénomènes demeurent difficiles à comprendre :

– la combinaison d’un anti-EGF récepteur à une chimiothérapie donne de meilleurs résultats que l’anti-EGFR seul, comme si ces molécules étaient capables de restaurer la chimiosensibilité d’une tumeur réfractaire. Il convient donc d’ associer ces anti-EGFR à une chimiothérapie, même si le patient était réfractaire à celle-ci.

– il n’existe pas de corrélation entre l’efficacité d’un anti-EGF récepteur avec le niveau de surexpression du EGF récepteur. On aurait en effet pu s’attendre à ce que plus la tumeur exprime des récepteurs à l’EGF à sa surface, plus les anti-EGF récepteurs seraient efficaces ; en fait les anti-EGFR sont possiblement efficaces quel que soit le niveau de surexpression. Ce qui permet de penser que la prescription de ces anti-EGFR pourrait tout à fait se justifier chez des patients qui ne surexpriment pas EGFR sur les cellules tumorales.

Utilisés à l’heure actuelle en troisième ligne thérapeutique, ils devraient prochainement trouver leur place dans le traitement de première intention des colorectaux métastatiques en association avec la chimiothérapie. Des études en cours s’intéressent également à la combinaison d’une chimiothérapie avec les anti-EGFR en situation adjuvante après une intervention chirurgicale à visée curatrice.

2- Les anti-VEGF
La croissance tumorale dépend de l’existence ou de la formation de vaisseaux sanguins à proximité.

Pour se développer la tumeur est obligée pour se nourrir de développer une vascularisation qui lui apportera les éléments nécessaires à sa prolifération. Il existe pour de nombreux cancers une corrélation forte entre la densité des micro néo-vaisseaux et l’évolution clinique. De nombreuses substances favorisent la création de ces néo-vaisseaux, en particulier le VEGF (Vascular Endothelium Growth Factor).

Les cellules tumorales sont capables de secréter du VEGF afin de favoriser leur propre développement. Les molécules anti-VEGF sont donc des molécules antiangiogéniques destinées à lutter contre la formation de nouveaux vaisseaux nourriciers des tumeurs.

Deux types de médicaments sont employés actuellement, des anti-VEGF récepteurs (molécules capables de  » bloquer  » le VEGF récepteur) mais surtout un anti-VEGF, qui capture le VEGF circulant sécrété par la tumeur pour l’empêcher d’aller se fixer sur le récepteur du VEGF au niveau des cellules endothéliales ; il s’agit du bevacizumab (AVASTIN®), dont le rôle est maintenant bien établi dans le traitement des tumeurs colo-rectales métastatiques.

En association avec une chimiothérapie, cet anticorps monoclonal a démontré une réelle efficacité en première ligne thérapeutique dans les cancers colo-rectaux métastatiques. 

Son efficacité est actuellement testée dans le cadre d’études cliniques en situation adjuvante après résection à visée curatrice de tumeurs non métastatiques.

Ces nouveaux médicaments ne sont cependant pas dénués d’effets secondaires.
Ils ne sont pas utilisables chez tous les patients, en raison de risque de toxicité accrus dans certaines situation (comme par exemple pour les patients sous anticoagulants, ou venant d’être opérés, où les anti VEGF ne doivent pas être prescrits).
De plus, leur coût est considérable par rapport à celui d’une chimiothérapie conventionnelle.
Ainsi, leur utilisation est-elle très sévèrement réglementée.
Leurs champs d’application devraient néanmoins s’étendre d’ici la fin de l’année 2005.

Devant les effets très prometteurs de ces médicaments, d’autres molécules des mêmes classes thérapeutiques (anti-EGF-r et anti-VEGF) sont en cours de développement, et permettront probablement d’encore accentuer les bénéfices thérapeutiques.

Christophe Louvet – Août 2005 – La Lettre 16 – HNPCC – Lynch – Septembre 2005

Un vaccin préventif dans l’avenir ?

Dr Sylviane OLSCHWANG – INSERM U434

Après la mise en place de l’essai de chimioprévention par un traitement à l’aspirine et l’amidon (CAPP2), on peut s’attendre à l’exploration d’une nouvelle voie de recherche thérapeutique dans le syndrome HNPCC,l’immunothérapie. 

Le syndrome HNPCC résulte d’une mutation de l’un des gènes contrôlant la réparation des mésappariements de l’ADN (DNA MisMatchRepair, ou MMR), MSH2, MLH1 MSH6.

L’inactivation, dans une même cellule, des 2 copies d’un gène MMR a pour conséquence une impossibilité de correction des erreurs de réplication de l’ADN. Ces erreurs survenant préférentiellement au niveau de séquences répétées (appelées satellites) de l’ADN, dont la réplication est plus difficile, elles sont facilement détectables au niveau des séquences satellites courtes, ou microsatellites, d’où le terme d’instabilité microsatellite (MSI pour microsatellite instability) Cette instabilité, acquise par la cellule, est à l’origine de mutations de certains gènes contenant des séquences microsatellites, tel le gène du récepteur du TGFß (Tumor Growth Factor) de type II, qui contrôle la prolifération.
Les mutations du gène TGFßRII décalent le cadre ouvert de lecture, ce qui est à l’origine de la production de protéines anormales potentiellement immunogènes (figure 2). L’introduction d’un peptide de synthèse correspondant à la partie anormale de la protéine dans des lymphocytes T est capable d’induire une réponse immune. L’injection à des patients atteints de cancer, porteurs d’un syndrome HNPCC, a abouti à une régression des tumeurs.

(Saeterdal I, Bjorheim J, Lislerud K, et al. Frameshift-mutation-derived peptides as tumor-specific antigens in inherited and spontaneous colorectal cancer. Proc Natl Acad Sci USA 2001; 98:13255-13260).

Il est envisageable qu’à l’avenir, l’exploitation de cette observation aille jusqu’à la mise au point d’un vaccin préventif des cancers pour les personnes porteuses d’un syndrome HNPCC.

Dr Sylviane OLSCHWANG – Article du 08/12/02

Poursuite de l’essai clinique CAPP2 – Mars 2009

Dr Sylviane Olschwang – Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille – Institut Paoli Calmettes

Comme annoncé dans les conclusions de l’étude à l’issue des résultats observés en fin de traitement parmi l’ensemble des participants, l’analyse se poursuit par la collecte des informations médicales disponibles deux ans après l’arrêt du traitement. Une évaluation des personnes ayant été les premières à débuter leur traitement dans les différents pays collaborateurs documente de manière convaincante le bien-fondé de la démarche, en indiquant que le taux de tumeurs détectées au cous de l’examen coloscopique systématique de dépistage était nettement moins important chez les personnes ayant effectivement reçu de l’aspirine. La France s’étant jointe à l’étude assez tardivement, il est maintenant temps de compléter les informations déjà disponibles et l’ensemble des participants français sera contacté en ce sens dans le courant du 1er trimestre 2009.
Les résultats définitifs seront disponibles vers la fin du mois de Juin 2009.

Dr Sylviane Olschwang – Institut Paoli Calmette

Les études CAPP (Concerted Action for Polyp Prevention)

Dr Sylviane Olschwang Institut Paoli-Calmettes et Centre de Recherches en Cancérologie de Marseille (UMR891) Octobre 2009

Les études CAPP (Concerted Action for Polyp Prevention) ont débuté en 1993 avec pour objectif d’identifier des substances qui pourraient prévenir l’apparition des polypes. Elles se sont d’emblée consacrées aux prédispositions au cancer colorectal, avec comme chef de file la polypose adénomateuse familiale, seule bien connue sur le plan génétique moléculaire à cette époque. Les susbstances pouvant faire l’objet d’une telle étude étaient l’aspirine et l’amidon non digestible, dont l’effet protecteur du cancer colorectal était tout au moins probable si ce n’est encore démontré dans la population générale. La première étude s’est naturellement appelée CAPP1. Elle n’est pas arrivée à son terme du fait du faible nombre de participants.
En parallèle, quelques années plus tard, une étude a débuté, CAPP2, posant la même question chez les personnes porteuses d’un syndrome de Lynch. La France y a significativement participé et les résultats au terme de l’étude* ont été rapportés dans des communications précédentes, accessibles sur le site http://hnpcc.france.free.fr.
En résumé, les participants se sont vu proposer une prise quotidienne pendant 2 ans de deux substances, qui comportait, seul ou en combinaison, après tirage au sort, de l’aspirine à la dose de 600mg et de l’amidon, digestible ou non digestible, à la dose de 30g. Un enregistrement des résultats des examens coloscopiques était fait au début et à la fin du traitement.
Au total, 953 personnes ont participé entre octobre 1999 et mars 2005, parmi lesquelles 746 personnes ont pris l’intégralité des substances pendant 2 ans. La France s’est trouvée être le second centre participant parmi un total de 43. Au terme de l’étude, l’analyse des examens coloscopiques n’a pas montré de différence significative en faveur de la réduction des polypes chez les participants ayant reçu les substances actives.
Une demande de prolongation de l’étude a été obtenue pour deux nouvelles observations des examens coloscopiques deux ans et quatre ans après la fin du traitement. En France, l’ensemble des participants a été contacté dans ce but au cours des 4 premiers mois de l’année 2009, et les informations communiquées au centre coordonateur. Une nouvelle analyse a été faite, et bien que tous les participants n’aient pas encore fini leur traitement depuis 4 ans, <bun effet protecteur de l’aspirine, comme supposé immédiatement au décours de la première analyse. Aujourd’hui, Il n’est évidemment pas encore possible de proposer l’aspirine comme traitement préventif du cancer colorectal dans le syndrome de Lynch, mais ce résultat est très encourageant. Lors du congrès biennal sur les prédispositions héréditaires aux cancers digestifs, organisé par la société INSiGHT, dont le dernier a eu lieu en juin 2009, le coordonateur des études CAPP a proposé une 3e phase, qui consistera a définir la dose d’aspirine efficace minimale, la dose testée (600 mg par jour) n’étant pas dénuée d’effets secondaires potentiels.
Tous les participants recevront donc un traitement à base d’aspirine, dont la dose seule variera. L’analyse des effets sera établie sur l’enregistrement des résultats coloscopiques, comme dans les précédentes études.
Une recherche de financement est en cours.

* Burn J, Bishop T, Mecklin J, Macrae F, Moeslein G, Olschwang S,
Effect of Aspirin or Resistant Starch on Colorectal Neoplasia in the Lynch Syndrom. New Engl J Med 2008; 359:2567-78

Dr Sylviane Olschwang – Octobre 2009

Poursuite de l’Etude avec CAPP3 – Oct 2011 L’aspirine réduit le risque de développer un cancer colorectal de moitié chez les personnes porteuses d’un syndrome de Lynch

Dernières nouvelles des Programmes de Prévention des Adénomes et Cancers colorectaux CAPP.
Dr Sylviane Olschwang a adapté le texte proposé par le Pr. John Burn, coordinator de l’étude (Newcastle upon Tyne, UK) publié dans “Lancet” le 28 Octobre 2011 : «Long-term effect of aspirin on cancer risk in carriers of hereditary colorectal cancer : an analysis from the CAPP2 randomised controlled trial.»*

L’essai international CAPP2 a montré que le bénéfice d’un traitement au long cours par l’aspirine se prolongeait plusieurs années après l’arrêt du traitement. Cet essai contrôlé randomisé démontre statistiquement l’effet bénéfique, qui était soupçonné depuis environ 20 ans, mais n’avait encore jamais fait l’objet de ce type d’étude. En effet, l’action préventive avait jusque là été observée chez des personnes prenant de l’aspirine dans le but de prévenir les maladies cardiovasculaire uniquement.
En résumé cette étude a été menée par 23 équipes dans 16 pays différents, et a permis de suivre spécifiquement un millier de personnes sur des périodes allant jusqu’à 10 ans. Le traitement était proposé aux seules personnes porteuses d’un syndrome de Lynch, ce qui donne toute la valeur aux résultats obtenus. Plus précisément, la dose d’aspirine proposée était de 600 mg par jour (ou placebo) et la durée du traitement de 2 ans. Au terme du traitement (2007), aucune différence significative n’avait été mise en évidence entre les deux groupes de personnes, mais l’effet bénéfique est apparu très clair deux ans plus tard et perdure au-delà : entre 2005 et 2010, 19 personnes traitées se sont vues diagnostiquer un cancer colorectal, contre 34 personnes prenant le placebo. Lorsque l’analyse s’est concentrée sur les personnes qui ont suivi le traitement régulièrement pendant les deux ans prévus, la réduction du nombre de tumeurs était plus importante : 10 tumeurs chez les personnes traitées, 23 chez celles recevant le placebo. Un résultat comparable a été observé pour le cancer de l’endomètre, avec une diminution par deux chez les femmes traitées à l’aspirine.
Les observations des précédentes études, même si elles n’étaient pas spécifiques au syndrome de Lynch, laissent penser que des doses moindres auront un effet identique. Aussi est-il maintenant important dedéfinir la dose optimale, et c’est l’objet de l’étude CAPP3 que propose le Pr. Burn, dont toutes les informations (en anglais) figurent à l’adresse suivante : www.capp3.org. Cette étude est librement accessible aux personnes concernées.

Après signature d’un souhait de participation, une dose quotidienne d’aspirine est proposée et il est simplement demandé aux participants de fournir les résultats de leurs examens de dépistage régulièrement, avec ou sans l’aide de leur médecin. 

Toute l’équipe de l’étude CAPP2 remercie les nombreux participants et les incite naturellement à consulter le site Internet. www.capp3.org
– Le Dr S. Olschwang est à votre disposition pour répondre par email aux questions que sa consultation susciterait. sylviane.olschwang@inserm.fr

Novembre 2011

* Burn J, Bishop T, Mecklin J, Macrae F, Moeslein G, Olschwang S,
Effect of Aspirin or Resistant Starch on Colorectal Neoplasia in the Lynch Syndrom. New Engl J Med 2008; 359:2567-78

Dr Sylviane Olschwang – Octobre 2009

Place de l’anatomie pathologique dans le diagnostic du syndrome HNPCC

Pr. François Paraf, service d’anatomie pathologique
Centre Hospitalier Universitaire Dupuytren, 2 avenue Martin Luther King – 87042 Limoges

L’anatomie pathologique, encore appelée pathologie, est une spécialité médicale qui consiste en l’examen de prélèvements de cellules ou de tissus dans le but d’établir un diagnostic, ce qui permet ensuite d’effectuer un traitement approprié. Ces prélèvements peuvent être faits par exemple lors d’examens de surveillance ou de dépistage (frottis cervico-utérin), lors de l’exérèse d’une lésion cutanée (grain de beauté), d’un polype du tube digestif, ou lors d’une intervention chirurgicale.
Dans le cas d’une pièce opératoire, celle-ci va faire l’objet d’une description précise, éventuellement de photos, puis va être examinée au microscope. Ceci permet de porter avec certitude le diagnostic précis de la maladie en cause. S’il s’agit d’un cancer, l’examen anatomo-pathologique permet d’indiquer le  » type  » précis de ce cancer, son degré d’extension, ainsi que le caractère complet ou non de l’exérèse chirurgicale, éléments indispensables pour la décision d’un traitement complémentaire par chimiothérapie.

Le cancer colorectal héréditaire non polyposique encore appelé syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colorectal cancer), se caractérise par une prédisposition génétique au développement de cancers colorectaux et d’autres tumeurs. Il est lié à une mutation germinale d’un des gènes de réparation des mésappariements de l’ADN dont les plus fréquemment atteints sont MLH1 et MSH2, et plus rarement MSH6 et PMS2. Les malades atteints de ce syndrome ont un risque élevé de survenue de cancer du côlon du rectum et de l’utérus (endomètre), et un risque plus faible de survenue de cancers des voies urinaires hautes, des voies biliaires, de l’estomac, de l’ovaire et de l’intestin grêle. Le diagnostic du syndrome HNPCC repose sur les antécédents tumoraux personnels et familiaux, l’âge de survenue du cancer et certaines caractéristiques de la tumeur, qui ont ainsi permis de définir des critères diagnostiques largement utilisés dans le monde dont les principaux sont les critères d’Amsterdam et les critères de Bethesda.
Ces critères ont une spécificité élevée mais une sensibilité faible, et la preuve définitive du diagnostic repose sur l’identification d’une mutation constitutionnelle d’un des gènes atteints à partir d’un prélèvement sanguin.
L’anatomie pathologique intervient dans le syndrome HNPCC d’abord dans l’établissement du diagnostic de cancer, la détermination de son extension et de facteurs du pronostic, comme pour les autres cancers colorectaux. L’anatomie pathologique permet également de mettre en évidence certaines caractéristiques morphologiques du cancer colorectal pouvant orienter vers un syndrome HNPCC, d’affirmer ce diagnostic par la mise en évidence d’une instabilité des microsatellites dans la tumeur, et de guider la recherche de mutation germinale vers le gène atteint grâce à l’immunohistochimie
Dans le cadre du syndrome HNPCC, l’anatomie pathologique peut intervenir à plusieurs niveaux :
I – Réalisation d’un diagnostic précis des tumeurs qui sont opérées. L’examen anatomo-pathologique d’une pièce opératoire concernant une tumeur du côlon ou du rectum fait appel à des classifications internationales validées qui sont les mêmes pour toutes les tumeurs du côlon et du rectum.
Ces tumeurs se développent à partir de la muqueuse du côlon et du rectum et sont appelées  » adénomes « lorsqu’elles sont bénignes et  » adénocarcinomes «  lorsqu’elles sont cancéreuses. Ces adénocarcinomes sont de plus classés en fonction de leur degré de différenciation, c’est-à-dire de leur ressemblance avec la muqueuse colique normale, et aussi selon leur degré d’extension en utilisant le système TNM (Tumeur, N : Ganglion, M : Metastase) qui mesure le degré d’infiltration de la tumeur dans l’épaisseur de la paroi colique, le nombre de ganglions atteints et la présence ou l’absence de métastase.
Ces dernières indications sont importantes, car elles déterminent le pronostic de la maladie et les modalités de traitement qui sera fait après la chirurgie.

II – Mise en évidence des caractéristiques particulières qui sont plus fréquentes dans les cancers colorectaux associés au syndrome HNPCC par rapport aux autres cancers colorectaux. Ces caractéristiques ne sont cependant ni assez spécifiques ni assez sensibles pour permettre, à elles seules, de porter le diagnostic de syndrome HNPCC, mais peuvent permettre de le faire évoquer :
* plus grande fréquence des cancers colorectaux multiples synchrones (survenant au même moment) ou métachrones (survenant au cours du temps)
* localisation plus fréquente à la partie droite ou transverse du côlon
* fréquence plus élevée de formes histologiques particulières, dites mucineuses, c’est à dire riches en mucus, ou dites médullaires c’est-à-dire peu différenciées avec importante inflammation dans la tumeur
* plus grande fréquence d’une réaction inflammatoire importante intratumorale ou situé à la partie profonde de la tumeur
* bonne limitation de la tumeur en profondeur repoussant les tissus voisins.

Les laboratoires d’anatomie pathologique utilisent aussi des techniques complémentaires à l’examen microscopique pour caractériser un cancer, parmi lesquelles l’immunohistochimie, qui permet de détecter de manière fiable la présence ou l’absence d’une protéine donnée dans des cellules. Le principe du test consiste à rechercher une perte de l’expression normale d’une ou plusieurs de ces protéines dans les cellules tumorales par rapport aux tissus normaux.
Les Protéines manquantes ou perte d’expression :
En effet, au cours du syndrome HNPCC, les individus atteints héritent d’un gène muté du parent atteint, et d’un gène non muté du parent non atteint. L’expression de la protéine correspondant au gène est maintenue dans les cellules par le gène non muté hérité du parent sain. Mais ce gène intact est inactivé pendant la croissance tumorale, ce qui aboutit à une disparition de la production de la protéine correspondante dans les cellules tumorales. On peut détecter actuellement la perte d’expression des 4 protéines MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2 à l’aide d’anticorps.
Cet examen n’entraîne pas de prélèvement supplémentaire pour le malade car il se fait directement sur un petit fragment de tumeur prélevé sur la pièce opératoire. Il peut être fait au moment du diagnostic de cancer, ou bien plus tard à l’occasion d’une enquête familiale lorsqu’on suspecte un syndrome HNPCC.
Le grand avantage de cet examen est de guider l’analyse génétique de mutation sur le gène correspondant à la protéine absente dans la tumeur. Cette technique n’est cependant pas d’une sensibilité parfaite car elle ne détecte pas la totalité des mutations et entraîne un faible pourcentage de faux négatifs : c’est à dire que le test est normal alors qu’il y a une mutation d’un des gènes HNPCC et instabilité microsatelite dans la tumeur.

Enfin, de plus en plus de laboratoires d’anatomie pathologique ont la possibilité de réaliser des analyses de biologie moléculaire parmi lesquelles la recherche de l’instabilité des microsatellites. Cette anomalie est aussi appelée phénotype MSI (MicroSatellite Instability) ou phénotype RER (Replication ErroR). Elle consiste en des variations de courtes séquences d’ADN qui sont présentes dans les cellules tumorales des cancers survenant dans le syndrome HNPCC. Mais on trouve aussi cette anomalie dans environ 15% de l’ensemble des cancers colorectaux en dehors de tout syndrome HNPCC, et on considère alors qu’elle est en rapport avec des phénomènes de vieillissement de la muqueuse du côlon. Là encore, la réalisation de ce test n’entraîne pas de prélèvement supplémentaire pour le malade car il se fait directement sur un petit fragment de tumeur prélevé sur la pièce opératoire et peut être réalisé au moment du diagnostic de cancer, ou plus tard lors d’une enquête familiale.

On considère actuellement que la mise en évidence d ‘une instabilité des microsatellites dans un cancer colorectal permet d’orienter vers un syndrome HNPCC.
Pr. François Paraf – CHU Dupuytren, Limoges – Septembre 2009

Les indications de la chirurgie « prophylactique » dans le contexte du syndrome de Lynch/HNPCC

Dr Bruno Buecher Unité d’Oncogénétique Digestive Hôpital Européen Georges Pompidou et Institut Curie, Paris

La chirurgie « prophylactique » correspond à une chirurgie « préventive » qui a pour objectif de réaliser l’exérèse* d’un organe sain, ou en tout cas indemne de cancer, mais à haut risque de cancérisation. Ses indications sont très restreintes. Elle ne peut être discutée que pour des organes à haut, voire à très haut risque de dégénérescence, surtout en l’absence de stratégie de dépistage efficace disponible. La « lourdeur » de l’intervention chirurgicale, la fréquence des complications opératoires et l’importance des séquelles prévisibles, de même que la volonté et la préférence des patients sont également des éléments essentiels à prendre en compte dans la discussion des indications d’une telle chirurgie.

Une réflexion sur les indications de la chirurgie prophylactique chez les patients atteints d’un syndrome HNPCC/Lycnh a été récemment menée par un groupe d’experts mandatés par l’Institut National du Cancer (INCa). Les conclusions des experts sont résumées dans ce texte. Elles sont également disponibles en ligne sur le site web de cette institution (http://www.e-cancer.fr).

1 – Les risques tumoraux associés au syndrome de Lynch concernent principalement le côlon et le rectumainsi que l’utérus et à moindre degré les ovaires chez les femmes. La chirurgie prophylactique ne se discute donc que pour ces organes. Les risques concernant les autres organes (estomac, voies excrétrices urinaires, intestin grêle et voies biliaires notamment) sont encore mal évalués mais très faibles, de telle sorte que la chirurgie prophylactique n’a aucune place vis-à-vis de ces organes.

2 – Le risque élevé de cancer colorectal doit être « contre-balancé » par la grande efficacité du dépistage endoscopique selon les modalités rappelées par le Pr Cellier (coloscopie avec chromo-endoscopie à l’indigo carmin tous les 1 à 2 ans dès l’âge de 20 à 25 ans). L’identification et l’exérèse des polypes coliques permettent en effet de diminuer grandement le risque spontané. Dans ces conditions, il n’y a pas d’indication de chirurgie prophylactique colorectale chez les patients dont la coloscopie est normale ou n’a mis en évidence que des polypes dont l’exérèse est possible par voie endoscopique. Elle ne se discute donc qu’en cas d’indication chirurgicale pour cancer ou volumineux polype(s) non accessibles à une exérèse endoscopique. Dans une telle situation, l’exérèse de la totalité du côlon (on parle de colectomie totale ou sub-totale avec anastomose iléo-rectale) est considérée comme une alternative possible à l’exérèse classique, limitée à la portion de côlon porteur de la lésion (on parle de colectomie segmentaire). L’intérêt d’une chirurgie plus étendue (colectomie totale ou sub-totale) est essentiellement de faciliter la surveillance endoscopique ultérieure qui n’intéressera que le rectum et ne nécessitera plus ni anesthésie générale ni « purge » préalable. Il n’est en effet pas recommandé d’enlever le rectum car les séquelles d’une intervention enlevant le côlon et le rectum (on parle de colo-proctectomie avec anastomose iléo-anale) sont plus marquées que celles de la colectomie totale ou sub-totale (plus grand nombre de selles et de troubles digestifs).

3 – Les risques de cancer de l’utérus et surtout des ovaires sont moindres. Les modalités de la surveillance des femmes atteintes ont été rappelées par le Pr Lécuru (examen clinique et échographie pelvienne annuelle avec prélèvement endométrial à partir de l’âge de 30 ans). L’efficacité de cette stratégie de dépistage reste néanmoins incertaine ce qui peut conduire à envisager une chirurgie prophylactique, après accomplissement du projet parental, en particulier chez les femmes ménopausées. L’intervention, qui consiste en l’exérèse de l’utérus mais également des trompes et des ovaires, est appelée hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale. Elle a l’inconvénient majeur d’induire une ménopause chez les femmes non ménopausées et ne doit donc pas être envisagée trop précocement. L’existence d’une pathologie bénigne utérine (fibromes hémorragiques par exemple) et/ou ovarienne (lésions kystiques) associée est également à prendre en compte dans la discussion des indications de chirurgie prophylactique gynécologique.

Pour conclure, il est important de rappeler que les chirurgies prophylactiques colorectale et gynécologique correspondent à des alternatives possibles dans la prise en charge des patients atteints d’un syndrome de Lynch/HNPCC et qu’il n’y a pas d’indication formelle.

Encore une fois, la volonté des patients, correctement informés des avantages et des inconvénients des différentes approches, est l’élément essentiel du processus décisionnel et toutes les indications de chirurgie prophylactique doivent faire l’objet d’une validation dans le cadre de réunions de concertations pluri-disciplinaires.

* exérèse : opération chirurgicale par laquelle on enlève un organe , une tumeur, un corps étranger

Comment marche la capsule vidéo-endoscopique PillCam sb ?

La Société Française d’endoscopie Digestive (SFED) pilote un programme de formation spécifique à la pratique de la capsule vidéo-endoscopique baptisée PillCam SB (SB : Small Bowell – intestin grêle en anglais) avec la participation d’une dizaine d’experts.
Le Professeur Jean-Christophe Saurin est responsable de la Commission Vidéo-Capsule de la SFED.
Une série de formations régionales va débuter sur l’ensemble du territoire français dès le 20 mars 2008.

Comment ça marche ? 
L’intérieur de cette petite capsule dont la durée de vie est de 8 heures, contient un appareil photo, une source de lumière (un flash), deux batteries, un émetteur radio fréquence et une antenne ! La capsule est avalée par le patient et progresse grâce aux contractions naturelles des organes. Dans l’œsophage son passage se fait trop rapide-ment pour pouvoir y recueillir des informations fiables. Elle passe ensuite dans l’estomac beaucoup plus grand en volume où la capsule ne peut donner que des informations partielles. Néanmoins, dans l’intestin grêle, qui mesure environ 6 mètres, la capsule prend 2 photos couleur par seconde avec un champ de vision de 140°.
Après son passage dans l’intestin grêle, la capsule est propulsée dans le gros intestin (ou colon), où la présence des selles empêche une interprétation fiable des données.
Finalement, après un à deux jours en moyenne, la capsule est évacuée par les voies naturelles.

Préparation à l’examen
Le patient est à jeun (de minimum 12 heures).
Dans certains centres, un laxatif est administré la veille de l’examen.
Après fixation (par auto-collants) de capteurs et un enregistreur sur le ventre, la capsule est avalée avec un peu d’eau. L’enregistrement commence et dure 8 heures. Le patient peut librement vaquer à ses activités. C’est une méthode d’investigation non-invasive, indolore et ne nécessitant ni anesthésie ni sédation. 
Après huit heures, les capteurs et l’enregistreur sont enlevés. Ce dernier est connecté à un ordinateur qui va traiter les images (souvent plus de 50.000) et permettre leur interprétation par un médecin formé qui prendra environ 20 minutes pour visionner ce « film ».

Points faibles de la capsule 
La capsule sert uniquement pour le diagnostic de l’intestin grêle et n’effectue aucun traitement.Actuellement, la capsule coûte environ 600 € et n’est pas remboursée par les mutuelles. 

A ce jour, la vidéo-capsule n’est utile que pour explorer l’intestin grêle. Elle ne peut absolument pas, surtout dans le contexte de la maladie de Lynch, se substituer à la coloscopie, ni être utilisée dans le dépistage du cancer colorectal, ni à la place des tests fécaux (Hemoccult ®).
En revanche, d’autres capsules sont en phase de développement et, en particulier, la capsule pour l’examen du côlon.

Quel outil formidable ! à suivre de près….

Diane Julhiet, Présidente de l’association