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Un vaccin préventif dans l’avenir ?

Dr Sylviane OLSCHWANG – INSERM U434

Après la mise en place de l’essai de chimioprévention par un traitement à l’aspirine et l’amidon (CAPP2), on peut s’attendre à l’exploration d’une nouvelle voie de recherche thérapeutique dans le syndrome HNPCC,l’immunothérapie. 

Le syndrome HNPCC résulte d’une mutation de l’un des gènes contrôlant la réparation des mésappariements de l’ADN (DNA MisMatchRepair, ou MMR), MSH2, MLH1 MSH6.

L’inactivation, dans une même cellule, des 2 copies d’un gène MMR a pour conséquence une impossibilité de correction des erreurs de réplication de l’ADN. Ces erreurs survenant préférentiellement au niveau de séquences répétées (appelées satellites) de l’ADN, dont la réplication est plus difficile, elles sont facilement détectables au niveau des séquences satellites courtes, ou microsatellites, d’où le terme d’instabilité microsatellite (MSI pour microsatellite instability) Cette instabilité, acquise par la cellule, est à l’origine de mutations de certains gènes contenant des séquences microsatellites, tel le gène du récepteur du TGFß (Tumor Growth Factor) de type II, qui contrôle la prolifération.
Les mutations du gène TGFßRII décalent le cadre ouvert de lecture, ce qui est à l’origine de la production de protéines anormales potentiellement immunogènes (figure 2). L’introduction d’un peptide de synthèse correspondant à la partie anormale de la protéine dans des lymphocytes T est capable d’induire une réponse immune. L’injection à des patients atteints de cancer, porteurs d’un syndrome HNPCC, a abouti à une régression des tumeurs.

(Saeterdal I, Bjorheim J, Lislerud K, et al. Frameshift-mutation-derived peptides as tumor-specific antigens in inherited and spontaneous colorectal cancer. Proc Natl Acad Sci USA 2001; 98:13255-13260).

Il est envisageable qu’à l’avenir, l’exploitation de cette observation aille jusqu’à la mise au point d’un vaccin préventif des cancers pour les personnes porteuses d’un syndrome HNPCC.

Dr Sylviane OLSCHWANG – Article du 08/12/02

Poursuite de l’essai clinique CAPP2 – Mars 2009

Dr Sylviane Olschwang – Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille – Institut Paoli Calmettes

Comme annoncé dans les conclusions de l’étude à l’issue des résultats observés en fin de traitement parmi l’ensemble des participants, l’analyse se poursuit par la collecte des informations médicales disponibles deux ans après l’arrêt du traitement. Une évaluation des personnes ayant été les premières à débuter leur traitement dans les différents pays collaborateurs documente de manière convaincante le bien-fondé de la démarche, en indiquant que le taux de tumeurs détectées au cous de l’examen coloscopique systématique de dépistage était nettement moins important chez les personnes ayant effectivement reçu de l’aspirine. La France s’étant jointe à l’étude assez tardivement, il est maintenant temps de compléter les informations déjà disponibles et l’ensemble des participants français sera contacté en ce sens dans le courant du 1er trimestre 2009.
Les résultats définitifs seront disponibles vers la fin du mois de Juin 2009.

Dr Sylviane Olschwang – Institut Paoli Calmette

Les études CAPP (Concerted Action for Polyp Prevention)

Dr Sylviane Olschwang Institut Paoli-Calmettes et Centre de Recherches en Cancérologie de Marseille (UMR891) Octobre 2009

Les études CAPP (Concerted Action for Polyp Prevention) ont débuté en 1993 avec pour objectif d’identifier des substances qui pourraient prévenir l’apparition des polypes. Elles se sont d’emblée consacrées aux prédispositions au cancer colorectal, avec comme chef de file la polypose adénomateuse familiale, seule bien connue sur le plan génétique moléculaire à cette époque. Les susbstances pouvant faire l’objet d’une telle étude étaient l’aspirine et l’amidon non digestible, dont l’effet protecteur du cancer colorectal était tout au moins probable si ce n’est encore démontré dans la population générale. La première étude s’est naturellement appelée CAPP1. Elle n’est pas arrivée à son terme du fait du faible nombre de participants.
En parallèle, quelques années plus tard, une étude a débuté, CAPP2, posant la même question chez les personnes porteuses d’un syndrome de Lynch. La France y a significativement participé et les résultats au terme de l’étude* ont été rapportés dans des communications précédentes, accessibles sur le site http://hnpcc.france.free.fr.
En résumé, les participants se sont vu proposer une prise quotidienne pendant 2 ans de deux substances, qui comportait, seul ou en combinaison, après tirage au sort, de l’aspirine à la dose de 600mg et de l’amidon, digestible ou non digestible, à la dose de 30g. Un enregistrement des résultats des examens coloscopiques était fait au début et à la fin du traitement.
Au total, 953 personnes ont participé entre octobre 1999 et mars 2005, parmi lesquelles 746 personnes ont pris l’intégralité des substances pendant 2 ans. La France s’est trouvée être le second centre participant parmi un total de 43. Au terme de l’étude, l’analyse des examens coloscopiques n’a pas montré de différence significative en faveur de la réduction des polypes chez les participants ayant reçu les substances actives.
Une demande de prolongation de l’étude a été obtenue pour deux nouvelles observations des examens coloscopiques deux ans et quatre ans après la fin du traitement. En France, l’ensemble des participants a été contacté dans ce but au cours des 4 premiers mois de l’année 2009, et les informations communiquées au centre coordonateur. Une nouvelle analyse a été faite, et bien que tous les participants n’aient pas encore fini leur traitement depuis 4 ans, <bun effet protecteur de l’aspirine, comme supposé immédiatement au décours de la première analyse. Aujourd’hui, Il n’est évidemment pas encore possible de proposer l’aspirine comme traitement préventif du cancer colorectal dans le syndrome de Lynch, mais ce résultat est très encourageant. Lors du congrès biennal sur les prédispositions héréditaires aux cancers digestifs, organisé par la société INSiGHT, dont le dernier a eu lieu en juin 2009, le coordonateur des études CAPP a proposé une 3e phase, qui consistera a définir la dose d’aspirine efficace minimale, la dose testée (600 mg par jour) n’étant pas dénuée d’effets secondaires potentiels.
Tous les participants recevront donc un traitement à base d’aspirine, dont la dose seule variera. L’analyse des effets sera établie sur l’enregistrement des résultats coloscopiques, comme dans les précédentes études.
Une recherche de financement est en cours.

* Burn J, Bishop T, Mecklin J, Macrae F, Moeslein G, Olschwang S,
Effect of Aspirin or Resistant Starch on Colorectal Neoplasia in the Lynch Syndrom. New Engl J Med 2008; 359:2567-78

Dr Sylviane Olschwang – Octobre 2009

Poursuite de l’Etude avec CAPP3 – Oct 2011 L’aspirine réduit le risque de développer un cancer colorectal de moitié chez les personnes porteuses d’un syndrome de Lynch

Dernières nouvelles des Programmes de Prévention des Adénomes et Cancers colorectaux CAPP.
Dr Sylviane Olschwang a adapté le texte proposé par le Pr. John Burn, coordinator de l’étude (Newcastle upon Tyne, UK) publié dans “Lancet” le 28 Octobre 2011 : «Long-term effect of aspirin on cancer risk in carriers of hereditary colorectal cancer : an analysis from the CAPP2 randomised controlled trial.»*

L’essai international CAPP2 a montré que le bénéfice d’un traitement au long cours par l’aspirine se prolongeait plusieurs années après l’arrêt du traitement. Cet essai contrôlé randomisé démontre statistiquement l’effet bénéfique, qui était soupçonné depuis environ 20 ans, mais n’avait encore jamais fait l’objet de ce type d’étude. En effet, l’action préventive avait jusque là été observée chez des personnes prenant de l’aspirine dans le but de prévenir les maladies cardiovasculaire uniquement.
En résumé cette étude a été menée par 23 équipes dans 16 pays différents, et a permis de suivre spécifiquement un millier de personnes sur des périodes allant jusqu’à 10 ans. Le traitement était proposé aux seules personnes porteuses d’un syndrome de Lynch, ce qui donne toute la valeur aux résultats obtenus. Plus précisément, la dose d’aspirine proposée était de 600 mg par jour (ou placebo) et la durée du traitement de 2 ans. Au terme du traitement (2007), aucune différence significative n’avait été mise en évidence entre les deux groupes de personnes, mais l’effet bénéfique est apparu très clair deux ans plus tard et perdure au-delà : entre 2005 et 2010, 19 personnes traitées se sont vues diagnostiquer un cancer colorectal, contre 34 personnes prenant le placebo. Lorsque l’analyse s’est concentrée sur les personnes qui ont suivi le traitement régulièrement pendant les deux ans prévus, la réduction du nombre de tumeurs était plus importante : 10 tumeurs chez les personnes traitées, 23 chez celles recevant le placebo. Un résultat comparable a été observé pour le cancer de l’endomètre, avec une diminution par deux chez les femmes traitées à l’aspirine.
Les observations des précédentes études, même si elles n’étaient pas spécifiques au syndrome de Lynch, laissent penser que des doses moindres auront un effet identique. Aussi est-il maintenant important dedéfinir la dose optimale, et c’est l’objet de l’étude CAPP3 que propose le Pr. Burn, dont toutes les informations (en anglais) figurent à l’adresse suivante : www.capp3.org. Cette étude est librement accessible aux personnes concernées.

Après signature d’un souhait de participation, une dose quotidienne d’aspirine est proposée et il est simplement demandé aux participants de fournir les résultats de leurs examens de dépistage régulièrement, avec ou sans l’aide de leur médecin. 

Toute l’équipe de l’étude CAPP2 remercie les nombreux participants et les incite naturellement à consulter le site Internet. www.capp3.org
– Le Dr S. Olschwang est à votre disposition pour répondre par email aux questions que sa consultation susciterait. sylviane.olschwang@inserm.fr

Novembre 2011

* Burn J, Bishop T, Mecklin J, Macrae F, Moeslein G, Olschwang S,
Effect of Aspirin or Resistant Starch on Colorectal Neoplasia in the Lynch Syndrom. New Engl J Med 2008; 359:2567-78

Dr Sylviane Olschwang – Octobre 2009

Place de l’anatomie pathologique dans le diagnostic du syndrome HNPCC

Pr. François Paraf, service d’anatomie pathologique
Centre Hospitalier Universitaire Dupuytren, 2 avenue Martin Luther King – 87042 Limoges

L’anatomie pathologique, encore appelée pathologie, est une spécialité médicale qui consiste en l’examen de prélèvements de cellules ou de tissus dans le but d’établir un diagnostic, ce qui permet ensuite d’effectuer un traitement approprié. Ces prélèvements peuvent être faits par exemple lors d’examens de surveillance ou de dépistage (frottis cervico-utérin), lors de l’exérèse d’une lésion cutanée (grain de beauté), d’un polype du tube digestif, ou lors d’une intervention chirurgicale.
Dans le cas d’une pièce opératoire, celle-ci va faire l’objet d’une description précise, éventuellement de photos, puis va être examinée au microscope. Ceci permet de porter avec certitude le diagnostic précis de la maladie en cause. S’il s’agit d’un cancer, l’examen anatomo-pathologique permet d’indiquer le  » type  » précis de ce cancer, son degré d’extension, ainsi que le caractère complet ou non de l’exérèse chirurgicale, éléments indispensables pour la décision d’un traitement complémentaire par chimiothérapie.

Le cancer colorectal héréditaire non polyposique encore appelé syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (hereditary non polyposis colorectal cancer), se caractérise par une prédisposition génétique au développement de cancers colorectaux et d’autres tumeurs. Il est lié à une mutation germinale d’un des gènes de réparation des mésappariements de l’ADN dont les plus fréquemment atteints sont MLH1 et MSH2, et plus rarement MSH6 et PMS2. Les malades atteints de ce syndrome ont un risque élevé de survenue de cancer du côlon du rectum et de l’utérus (endomètre), et un risque plus faible de survenue de cancers des voies urinaires hautes, des voies biliaires, de l’estomac, de l’ovaire et de l’intestin grêle. Le diagnostic du syndrome HNPCC repose sur les antécédents tumoraux personnels et familiaux, l’âge de survenue du cancer et certaines caractéristiques de la tumeur, qui ont ainsi permis de définir des critères diagnostiques largement utilisés dans le monde dont les principaux sont les critères d’Amsterdam et les critères de Bethesda.
Ces critères ont une spécificité élevée mais une sensibilité faible, et la preuve définitive du diagnostic repose sur l’identification d’une mutation constitutionnelle d’un des gènes atteints à partir d’un prélèvement sanguin.
L’anatomie pathologique intervient dans le syndrome HNPCC d’abord dans l’établissement du diagnostic de cancer, la détermination de son extension et de facteurs du pronostic, comme pour les autres cancers colorectaux. L’anatomie pathologique permet également de mettre en évidence certaines caractéristiques morphologiques du cancer colorectal pouvant orienter vers un syndrome HNPCC, d’affirmer ce diagnostic par la mise en évidence d’une instabilité des microsatellites dans la tumeur, et de guider la recherche de mutation germinale vers le gène atteint grâce à l’immunohistochimie
Dans le cadre du syndrome HNPCC, l’anatomie pathologique peut intervenir à plusieurs niveaux :
I – Réalisation d’un diagnostic précis des tumeurs qui sont opérées. L’examen anatomo-pathologique d’une pièce opératoire concernant une tumeur du côlon ou du rectum fait appel à des classifications internationales validées qui sont les mêmes pour toutes les tumeurs du côlon et du rectum.
Ces tumeurs se développent à partir de la muqueuse du côlon et du rectum et sont appelées  » adénomes « lorsqu’elles sont bénignes et  » adénocarcinomes «  lorsqu’elles sont cancéreuses. Ces adénocarcinomes sont de plus classés en fonction de leur degré de différenciation, c’est-à-dire de leur ressemblance avec la muqueuse colique normale, et aussi selon leur degré d’extension en utilisant le système TNM (Tumeur, N : Ganglion, M : Metastase) qui mesure le degré d’infiltration de la tumeur dans l’épaisseur de la paroi colique, le nombre de ganglions atteints et la présence ou l’absence de métastase.
Ces dernières indications sont importantes, car elles déterminent le pronostic de la maladie et les modalités de traitement qui sera fait après la chirurgie.

II – Mise en évidence des caractéristiques particulières qui sont plus fréquentes dans les cancers colorectaux associés au syndrome HNPCC par rapport aux autres cancers colorectaux. Ces caractéristiques ne sont cependant ni assez spécifiques ni assez sensibles pour permettre, à elles seules, de porter le diagnostic de syndrome HNPCC, mais peuvent permettre de le faire évoquer :
* plus grande fréquence des cancers colorectaux multiples synchrones (survenant au même moment) ou métachrones (survenant au cours du temps)
* localisation plus fréquente à la partie droite ou transverse du côlon
* fréquence plus élevée de formes histologiques particulières, dites mucineuses, c’est à dire riches en mucus, ou dites médullaires c’est-à-dire peu différenciées avec importante inflammation dans la tumeur
* plus grande fréquence d’une réaction inflammatoire importante intratumorale ou situé à la partie profonde de la tumeur
* bonne limitation de la tumeur en profondeur repoussant les tissus voisins.

Les laboratoires d’anatomie pathologique utilisent aussi des techniques complémentaires à l’examen microscopique pour caractériser un cancer, parmi lesquelles l’immunohistochimie, qui permet de détecter de manière fiable la présence ou l’absence d’une protéine donnée dans des cellules. Le principe du test consiste à rechercher une perte de l’expression normale d’une ou plusieurs de ces protéines dans les cellules tumorales par rapport aux tissus normaux.
Les Protéines manquantes ou perte d’expression :
En effet, au cours du syndrome HNPCC, les individus atteints héritent d’un gène muté du parent atteint, et d’un gène non muté du parent non atteint. L’expression de la protéine correspondant au gène est maintenue dans les cellules par le gène non muté hérité du parent sain. Mais ce gène intact est inactivé pendant la croissance tumorale, ce qui aboutit à une disparition de la production de la protéine correspondante dans les cellules tumorales. On peut détecter actuellement la perte d’expression des 4 protéines MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2 à l’aide d’anticorps.
Cet examen n’entraîne pas de prélèvement supplémentaire pour le malade car il se fait directement sur un petit fragment de tumeur prélevé sur la pièce opératoire. Il peut être fait au moment du diagnostic de cancer, ou bien plus tard à l’occasion d’une enquête familiale lorsqu’on suspecte un syndrome HNPCC.
Le grand avantage de cet examen est de guider l’analyse génétique de mutation sur le gène correspondant à la protéine absente dans la tumeur. Cette technique n’est cependant pas d’une sensibilité parfaite car elle ne détecte pas la totalité des mutations et entraîne un faible pourcentage de faux négatifs : c’est à dire que le test est normal alors qu’il y a une mutation d’un des gènes HNPCC et instabilité microsatelite dans la tumeur.

Enfin, de plus en plus de laboratoires d’anatomie pathologique ont la possibilité de réaliser des analyses de biologie moléculaire parmi lesquelles la recherche de l’instabilité des microsatellites. Cette anomalie est aussi appelée phénotype MSI (MicroSatellite Instability) ou phénotype RER (Replication ErroR). Elle consiste en des variations de courtes séquences d’ADN qui sont présentes dans les cellules tumorales des cancers survenant dans le syndrome HNPCC. Mais on trouve aussi cette anomalie dans environ 15% de l’ensemble des cancers colorectaux en dehors de tout syndrome HNPCC, et on considère alors qu’elle est en rapport avec des phénomènes de vieillissement de la muqueuse du côlon. Là encore, la réalisation de ce test n’entraîne pas de prélèvement supplémentaire pour le malade car il se fait directement sur un petit fragment de tumeur prélevé sur la pièce opératoire et peut être réalisé au moment du diagnostic de cancer, ou plus tard lors d’une enquête familiale.

On considère actuellement que la mise en évidence d ‘une instabilité des microsatellites dans un cancer colorectal permet d’orienter vers un syndrome HNPCC.
Pr. François Paraf – CHU Dupuytren, Limoges – Septembre 2009

Les indications de la chirurgie « prophylactique » dans le contexte du syndrome de Lynch/HNPCC

Dr Bruno Buecher Unité d’Oncogénétique Digestive Hôpital Européen Georges Pompidou et Institut Curie, Paris

La chirurgie « prophylactique » correspond à une chirurgie « préventive » qui a pour objectif de réaliser l’exérèse* d’un organe sain, ou en tout cas indemne de cancer, mais à haut risque de cancérisation. Ses indications sont très restreintes. Elle ne peut être discutée que pour des organes à haut, voire à très haut risque de dégénérescence, surtout en l’absence de stratégie de dépistage efficace disponible. La « lourdeur » de l’intervention chirurgicale, la fréquence des complications opératoires et l’importance des séquelles prévisibles, de même que la volonté et la préférence des patients sont également des éléments essentiels à prendre en compte dans la discussion des indications d’une telle chirurgie.

Une réflexion sur les indications de la chirurgie prophylactique chez les patients atteints d’un syndrome HNPCC/Lycnh a été récemment menée par un groupe d’experts mandatés par l’Institut National du Cancer (INCa). Les conclusions des experts sont résumées dans ce texte. Elles sont également disponibles en ligne sur le site web de cette institution (http://www.e-cancer.fr).

1 – Les risques tumoraux associés au syndrome de Lynch concernent principalement le côlon et le rectumainsi que l’utérus et à moindre degré les ovaires chez les femmes. La chirurgie prophylactique ne se discute donc que pour ces organes. Les risques concernant les autres organes (estomac, voies excrétrices urinaires, intestin grêle et voies biliaires notamment) sont encore mal évalués mais très faibles, de telle sorte que la chirurgie prophylactique n’a aucune place vis-à-vis de ces organes.

2 – Le risque élevé de cancer colorectal doit être « contre-balancé » par la grande efficacité du dépistage endoscopique selon les modalités rappelées par le Pr Cellier (coloscopie avec chromo-endoscopie à l’indigo carmin tous les 1 à 2 ans dès l’âge de 20 à 25 ans). L’identification et l’exérèse des polypes coliques permettent en effet de diminuer grandement le risque spontané. Dans ces conditions, il n’y a pas d’indication de chirurgie prophylactique colorectale chez les patients dont la coloscopie est normale ou n’a mis en évidence que des polypes dont l’exérèse est possible par voie endoscopique. Elle ne se discute donc qu’en cas d’indication chirurgicale pour cancer ou volumineux polype(s) non accessibles à une exérèse endoscopique. Dans une telle situation, l’exérèse de la totalité du côlon (on parle de colectomie totale ou sub-totale avec anastomose iléo-rectale) est considérée comme une alternative possible à l’exérèse classique, limitée à la portion de côlon porteur de la lésion (on parle de colectomie segmentaire). L’intérêt d’une chirurgie plus étendue (colectomie totale ou sub-totale) est essentiellement de faciliter la surveillance endoscopique ultérieure qui n’intéressera que le rectum et ne nécessitera plus ni anesthésie générale ni « purge » préalable. Il n’est en effet pas recommandé d’enlever le rectum car les séquelles d’une intervention enlevant le côlon et le rectum (on parle de colo-proctectomie avec anastomose iléo-anale) sont plus marquées que celles de la colectomie totale ou sub-totale (plus grand nombre de selles et de troubles digestifs).

3 – Les risques de cancer de l’utérus et surtout des ovaires sont moindres. Les modalités de la surveillance des femmes atteintes ont été rappelées par le Pr Lécuru (examen clinique et échographie pelvienne annuelle avec prélèvement endométrial à partir de l’âge de 30 ans). L’efficacité de cette stratégie de dépistage reste néanmoins incertaine ce qui peut conduire à envisager une chirurgie prophylactique, après accomplissement du projet parental, en particulier chez les femmes ménopausées. L’intervention, qui consiste en l’exérèse de l’utérus mais également des trompes et des ovaires, est appelée hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale. Elle a l’inconvénient majeur d’induire une ménopause chez les femmes non ménopausées et ne doit donc pas être envisagée trop précocement. L’existence d’une pathologie bénigne utérine (fibromes hémorragiques par exemple) et/ou ovarienne (lésions kystiques) associée est également à prendre en compte dans la discussion des indications de chirurgie prophylactique gynécologique.

Pour conclure, il est important de rappeler que les chirurgies prophylactiques colorectale et gynécologique correspondent à des alternatives possibles dans la prise en charge des patients atteints d’un syndrome de Lynch/HNPCC et qu’il n’y a pas d’indication formelle.

Encore une fois, la volonté des patients, correctement informés des avantages et des inconvénients des différentes approches, est l’élément essentiel du processus décisionnel et toutes les indications de chirurgie prophylactique doivent faire l’objet d’une validation dans le cadre de réunions de concertations pluri-disciplinaires.

* exérèse : opération chirurgicale par laquelle on enlève un organe , une tumeur, un corps étranger

Comment marche la capsule vidéo-endoscopique PillCam sb ?

La Société Française d’endoscopie Digestive (SFED) pilote un programme de formation spécifique à la pratique de la capsule vidéo-endoscopique baptisée PillCam SB (SB : Small Bowell – intestin grêle en anglais) avec la participation d’une dizaine d’experts.
Le Professeur Jean-Christophe Saurin est responsable de la Commission Vidéo-Capsule de la SFED.
Une série de formations régionales va débuter sur l’ensemble du territoire français dès le 20 mars 2008.

Comment ça marche ? 
L’intérieur de cette petite capsule dont la durée de vie est de 8 heures, contient un appareil photo, une source de lumière (un flash), deux batteries, un émetteur radio fréquence et une antenne ! La capsule est avalée par le patient et progresse grâce aux contractions naturelles des organes. Dans l’œsophage son passage se fait trop rapide-ment pour pouvoir y recueillir des informations fiables. Elle passe ensuite dans l’estomac beaucoup plus grand en volume où la capsule ne peut donner que des informations partielles. Néanmoins, dans l’intestin grêle, qui mesure environ 6 mètres, la capsule prend 2 photos couleur par seconde avec un champ de vision de 140°.
Après son passage dans l’intestin grêle, la capsule est propulsée dans le gros intestin (ou colon), où la présence des selles empêche une interprétation fiable des données.
Finalement, après un à deux jours en moyenne, la capsule est évacuée par les voies naturelles.

Préparation à l’examen
Le patient est à jeun (de minimum 12 heures).
Dans certains centres, un laxatif est administré la veille de l’examen.
Après fixation (par auto-collants) de capteurs et un enregistreur sur le ventre, la capsule est avalée avec un peu d’eau. L’enregistrement commence et dure 8 heures. Le patient peut librement vaquer à ses activités. C’est une méthode d’investigation non-invasive, indolore et ne nécessitant ni anesthésie ni sédation. 
Après huit heures, les capteurs et l’enregistreur sont enlevés. Ce dernier est connecté à un ordinateur qui va traiter les images (souvent plus de 50.000) et permettre leur interprétation par un médecin formé qui prendra environ 20 minutes pour visionner ce « film ».

Points faibles de la capsule 
La capsule sert uniquement pour le diagnostic de l’intestin grêle et n’effectue aucun traitement.Actuellement, la capsule coûte environ 600 € et n’est pas remboursée par les mutuelles. 

A ce jour, la vidéo-capsule n’est utile que pour explorer l’intestin grêle. Elle ne peut absolument pas, surtout dans le contexte de la maladie de Lynch, se substituer à la coloscopie, ni être utilisée dans le dépistage du cancer colorectal, ni à la place des tests fécaux (Hemoccult ®).
En revanche, d’autres capsules sont en phase de développement et, en particulier, la capsule pour l’examen du côlon.

Quel outil formidable ! à suivre de près….

Diane Julhiet, Présidente de l’association

L’intestin grêle des personnes porteuses d’une maladie de Lynch pourrait être surveillé en utilisant une capsule vidéoendoscopique

Pr Jean-Christophe Saurin Hépatogastroentérologue – Hôpital Ed. Herriot – Lyon

Les tumeurs de l’intestin grêle sont une des manifestations peu fréquentes de la maladie de Lynch. Le risque semble globalement faible, mais existe, et même révèle la maladie parfois chez des personnes qui n’ont jamais présenté d’autre tumeur. Le problème est que cette atteinte ne donne pas de symptômes en général, encore moins que les tumeurs du côlon, en tout cas pas lorsque la tumeur est de petite taille donc accessible à un traitement efficace.

Depuis quelques années, nous disposons d’une technique très confortable et quasiment sans risque pour examiner l’intestin grêle, qui s’appelle la capsule vidéoendoscopique. Cet appareil est remarquable : il s’agit d’une sorte d’appareil photo numérique capable de prendre de 2 à 8 images par seconde et de les envoyer (ondes radio émettant à une fréquence de 433MHz) vers des capteurs cutanés reliés à un boîtier enregistreur.

Cet appareil a été mis au point dans les années 2000 par des ingénieurs israéliens de la société Given Imaging, d’après une idée du gastroentérologue / inventeur anglais Paul Swain. La petite taille de cet appareil (26 X 11 mm pour un poids de 3,7 g – une belle gélule) permet de l’avaler sans difficulté. La seule liaison avec l’extérieur du corps humain est donc représentée par ces ondes radio de très faible intensité (1/10ème de celle d’un téléphone portable, soit de l’ordre du microwatt) qui transportent, sous forme de fichiers numériques, les images prises par la capsule. L’ensemble des images réceptionnées forme un film d’au moins 50 000 images qui pourra être lu ultérieurement par un médecin. La capsule vidéoendoscopique est ingérée, ce qui est extrêmement facile en pratique. Elle ne peut pas être dirigée depuis l’extérieur, et va donc progresser au travers tout l’appareil digestif (de l’œsophage au rectum), sous l’effet des contractions normales de l’intestin.

La commission capsule de la société française d’endoscopie digestive (SFED) a réalisé une étude concernant des patients porteurs d’une mutation du syndrome de Lynch et n’ayant aucun symptôme particulier. En particulier, ces personnes ne présentaient pas d’anémie, ce qui est un signe important pouvant révéler une tumeur de l’intestin grêle.

Ces 36 personnes ont ingéré une capsule vidéoendoscopique, et l’examen s’est déroulé chez tous sans aucun symptôme particulier.

L’examen a permis d’identifier chez 2 patients (5,4 %) des anomalies évoquant 1 polype chez l’un et une tumeur de l’intestin grêle chez l’autre. Les 2 personnes ont été opérées, et les lésions confirmées : 1 adénome (polype bénin) de 1 cm de diamètre, et surtout pour la deuxième un cancer de l’intestin grêle déjà important mais sans doute pris à temps puisque cette personne va parfaitement bien 2 ans après sa chirurgie.

Cette étude nous permet de conclure qu’un examen bien toléré et simple peut permettre de découvrir, à un stade qui permet de guérir, des tumeurs bénignes ou malignes de l’intestin grêle chez des patients Lynch.

Dans ces conditions, il nous parait intéressant de proposer cet examen, évidemment sans aucune obligation, de façon systématique.

Il reste à savoir à quel âge, et avec quelle fréquence. Ceci ne peut être qu’une proposition sans certitude d’efficacité, car seul le suivi des patients permettra de vérifier que cela est efficace. Une proposition raisonnable pourrait être de commencer à 35-40 ans, et de faire l’examen tous les 3 ans environ.
J-Ch Saurin – Février 2008

La coloscopie virtuelle

Pr Philippe Otal, Radiologie viscérale, vasculaire et interventionnelle – CHU Toulouse

La coloscopie virtuelle est une technique en plein développement grâce aux extraordinaires avancées technologiques que connaît depuis plusieurs années le scanner. Les coloscopies optique (traditionnelle) et virtuelle ont deux points communs : dans les deux cas, le côlon doit être aussi propre que possible, moyennant une préparation basée à la fois sur un régime sans résidu et sur une purge. Par ailleurs, de même que l’endoscopiste insuffle de grandes quantités d’air pour déplisser la paroi colique, la réalisation d’une coloscopie virtuelle impose l’introduction d’une petite sonde dans le rectum pour obtenir la distension colique indispensable à l’interprétation du scanner. Inversement, alors que la coloscopie optique est réalisée sous anesthésie générale, la coloscopie virtuelle l’est en ambulatoire.
Les indications de coloscopie virtuelle acceptées par la communauté scientifique sont les échecs (par exemple du fait de boucles coliques trop importantes) et les contre-indications (généralement d’ordre anesthésique) de la coloscopie optique.
Le débat reste ouvert sur son utilité dans le dépistage du cancer colo-rectal.

Les polypes sont d’autant plus facilement identifiés qu’ils sont plus gros et plus saillants, les erreurs les plus fréquentes sont liées à une mauvaise préparation colique ou à une mauvaise distension. Les performances en terme de détection de polype sont excellentes si l’on considère les grosses lésions (à partir de 8 – 10 mm), autorisant certaines équipes, notamment aux Etats-Unis, à intégrer la coloscopie virtuelle dans l’arsenal des outils de dépistage pour les populations à risque moyen.

Dans le cas particulier du syndrome HNPCC, la problématique est différente dans la mesure où des lésions de plus petite taille (nettement moins de 1 cm) voire planes doivent être ciblées, moyennant en particulier les techniques de coloration. Dans ces deux types de lésion, la coloscopie virtuelle pâtira, jusqu’à preuve du contraire, de performances diagnostiques médiocres.

Pr Philippe Otal – CHU Toulouse – Octobre 2008

Le dépistage des polypes dans le syndrome HNPCC

Dr Alex Pariente unité d’hépatogastroentérologie, Centre Hospitalier, 64046 Pau Cedex

Les polypes sont des excroissances à la surface de muqueuses. Dans le côlon ce peuvent être schématiquement de vraies tumeurs glandulaires bénignes (adénomes) ou de simples plages de muqueuse anormalement épaisse (polypes hyperplasiques). Seuls les premiers, les adénomes, sont susceptibles d’évoluer vers un cancer en passant par des stades successifs de dysplasie précédant la survenue d’un adénocarcinome (cancer glandulaire) d’abord superficiel, puis éventuellement invasif dans la paroi.

L’existence de la lésion précancéreuse, l’adénome, et son temps assez long de développement éventuel vers le cancer donne la possibilité d’agir préventivement en dépistant les adénomes, et en les retirant. On peut utiliser des pinces à biopsie quand ils sont petits, des anses ( » lasso « ) quand ils ont un pied qu’on peut enserrer. Quand ils sont trop plats, on peut injecter du sérum sous le polype pour créer un faux pied, et l’attraper ensuite avec une anse ( » mucosectomie « ).

Les adénomes du syndrome HNPCC sont un peu différents des adénomes rencontrés dans la population générale : ils sont plus souvent situés dans le côlon droit, sont souvent petits, et plus souvent déjà en dysplasie de haut grade (cancer très superficiel encore limité à l’épithélium de surface) quand ils sont petits (= 5 mm) ; enfin ils peuvent être nombreux, et  » pousser  » plus rapidement que dans la population générale. 

La surveillance coloscopique est efficace dans le syndrome HNPCC, réduisant d’environ 60% le risque de cancer du côlon, et de 100 % la mortalité par cancer du côlon, dans deux études menées en Finlande et en Hollande, à condition que l’intervalle entre les coloscopies ne soit pas supérieur à 2 ans. 
La surveillance coloscopique est donc efficace mais imparfaite, et il persiste des  » cancers d’intervalle  » apparaissant dans les 2 ans suivant une coloscopie considérée comme normale (le risque est d’environ 10% après 10 ans) ; ce risque peut être expliqué d’une part par les caractéristiques des polypes du syndrome HNPCC, et d’autre part par les imperfections de la coloscopie. La coloscopie peut être en défaut, soit parce que la préparation est insuffisante (adaptée à chaque patient, elle doit permettre d’obtenir un côlon absolument propre), soit parce que l’endoscopie elle-même est imparfaite. Il a été établi en effet (en réalisant 2 examens successifs chez le même malade) que la coloscopie rate environ 20% des polypes, d’autant plus qu’ils sont plus petits. On a également montré que le taux de détection des polypes est d’autant plus élevé que l’endoscopiste examine le côlon lentement : 2 études récentes ont montré que lorsque le temps moyen d’un endoscopiste pour réaliser l’examen de retour (du caecum à l’anus) d’une coloscopie qu’il juge normale est inférieur à 7 minutes, il a deux fois moins de chances de détecter des polypes que l’endoscopiste mettant en moyenne 12 minutes pour faire le même chemin.
Il a été bien établi que l’utilisation d’un colorant, l’indigocarmin, pulvérisé sur la surface colique (qui ne nécessite pas d’ endoscope particulier), améliorait la détection des polypes dans le syndrome HNPCC, et notamment des polypes plans, les plus difficiles à détecter.
D’autres techniques utilisant des endoscopes particuliers (modification de l’éclairage, traitement de l’image, grossissement) ont sans doute des performances comparables.
Ces techniques augmentent bien entendu la durée de l’ examen.

En conclusion, pour améliorer encore les résultats du dépistage des polypes dans le syndrome HNPCC, il faut de bons gastroentérologues, qui prennent leur temps, ont un bon matériel, utilisent des colorants, mais aussi de bons malades, qui respectent
l’intervalle maximal de 2 ans entre deux examens, et s’appliquent à une excellente préparation. 

Comme souvent, il faut être deux pour obtenir de grandes satisfactions !

Dr Alex Pariente – Toulouse – Octobre 2008