Archives pour la catégorie Traitement des cancers du côlon et du rectum

Traitements des Cancers du Côlon et du Rectum

Dr Bruno Buecher – CHU Nantes – Résumé de la présentation à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille

Les cancers du côlon et du rectum font partie des cancers les plus fréquents en France. En 2000, 36 257 nouveaux cas ont été diagnostiqués dans notre pays. Seuls 2% environ de ces cancers sont dus au syndrome HNPCC.
Néanmoins, le risque de développer un tel cancer chez les individus porteurs de cette prédisposition est élevé ce qui justifie la mise en œuvre d’une stratégie de dépistage systématique basée sur la coloscopie. Cet examen doit être réalisé tous les 2 ans, dans des conditions de préparation optimales, et en ayant recours à l’application d’un colorant à l’intérieur du côlon en cours de procédure (technique de  » chromoendoscopie « ). L’objectif n’est pas seulement de dépister un cancer à un stade précoce, mais également celui d’identifier et de réaliser l’exérèse des tumeurs bénignes préexistantes, les polypes adénomateux, avant qu’elles ne dégénèrent.

Actuellement, les modalités de prise en charge des cancers colorectaux survenant chez un sujet atteint de syndrome HNPCC sont identiques à celles des cancers colorectaux survenant dans la  » population générale « . La première étape consiste à réaliser un bilan d’extension à la recherche de métastases, c’est-à-dire de localisation de la maladie dans d’autres organes, principalement le foie et le poumon. Elle permet donc de distinguer les cancers qui restent localisés au côlon ou au rectum et les cancers métastatiques, c’est-à-dire ayant  » essaimés  » à distance.

Le traitement des cancers colorectaux localisés est basé sur la chirurgie . Celle-ci consiste à retirer la portion du côlon ou du rectum qui porte le cancer, ainsi que la graisse et les ganglions qui l’entourent.
Pour les cancers du rectum, cette chirurgie est généralement précédée d’une radiothérapie. La pièce opératoire est ensuite systématiquement étudiée au microscope (examen histologique). Cet examen permet de préciser deux éléments essentiels, qui conditionnent le risque de récidive après la chirurgie.
Il s’agit de la profondeur de l’infiltration de la paroi du côlon par la tumeur et de l’existence ou non de métastases ganglionnaires.
La présence de telles métastases est associée à un plus grand risque de récidive, ce qui justifie l’administration d’une chimiothérapie complémentaire, dite  » adjuvante « .
Cette chimiothérapie est débutée dans les 6 semaines qui suivent la chirurgie et dure 6 mois. Le produit de base est appelé 5-Fluorouracile
(5-FU). Il est administré par voie intraveineuse au moyen d’un dispositif préalablement mis en place sous la peau sous anesthésie locale et est le plus souvent bien toléré. Un certain nombre d’effets secondaires est néanmoins possible : nausées, vomissements, diarrhées, aphtes dans la bouche, rougeurs de la paume des mains et de la plante des pieds, diminution du taux de cellules sanguines. La perte des cheveux est rare, généralement peu importante et est réversible à l’arrêt du traitement.

Lorsqu’il existe des métastases dans d’autres organes au moment du diagnostic, la chimiothérapiedevient l’élément essentiel du traitement.
Elle est généralement plus  » lourde  » que la chimiothérapie adjuvante puisqu’elle associe le plus souvent au 5-fluorouracile un autre produit de chimiothérapie, l’oxaliplatine ou l’irinotécan. Ces deux derniers médicaments exposent à une augmentation du risque de survenue de nausées, de vomissements et d’une diminution du taux des cellules sanguines. L’oxaliplatine peut également être responsable d’une toxicité neurologique qui se traduit par l’apparition de fourmillements et d’une gène au niveau de l’extrémité des mains et des pieds, ainsi que par une sensation de blocage au niveau de la gorge.
Ces symptômes apparaissent principalement lors de l’exposition au froid. Ils apparaissent généralement après administration de plusieurs cures et sont lentement réversibles à l’arrêt du traitement.
En ce qui concerne l’irinotécan, il peut induire une chute importante des cheveux, ainsi qu’une diarrhée parfois profuse et qui doit faire l’objet d’un traitement antidiarrhéique précoce et à forte dose.
Dans tous les cas, la chimiothérapie est généralement administrée par cure de 2 jours tous les 15 jours et délivrée sur un mode ambulatoire, c’est-à-dire qu’elle ne nécessite pas d’hospitalisation.

L’exérèse chirurgicale de la tumeur colique ou rectale n’est pas systématique dans cette situation. Son indication est fonction de la taille de la tumeur et de l’évaluation du risque d’évolution vers une occlusion.
Lorsque la tumeur est volumineuse et que le risque occlusif est élevé, la chirurgie est réalisée avant la mise en route de la chimiothérapie.
La mise en place d’une prothèse colique sous endoscopie constitue une alternative possible à la chirurgie. En ce qui concerne les métastases hépatiques et/ou pulmonaires, la possibilité d’une exérèse chirurgicale doit également toujours être discutée initialement puis périodiquement en fonction de la réponse à la chimiothérapie d’une tumeur jugée initialement non résécable.

En tout état de cause, une telle chirurgie ne se conçoit que si elle permet d’envisager une exérèse complète de la tumeur.
Pour finir, il est important de souligner que des progrès très significatifs ont été réalisés au cours des dernières années en ce qui concerne le traitement des cancers colorectaux. En particulier, nous disposons depuis quelques mois de nouvelles possibilités de traitement. Il s’agit de médicaments de  » nouvelle génération  » , dont le mécanisme d’action est radicalement différent de celui des produits de chimiothérapie classiques et qui permettent d’obtenir des régressions de tumeurs résistantes aux différents protocoles de chimiothérapie conventionnelle.

Dr Bruno Buecher – CHU Nantes – Résumé de la présentation à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille – 23 oct 2004

Les cancers colorectaux à l’heure des thérapies ciblées

Pr Christophe Louvet (Service d’Oncologie Médicale, Hôpital Saint-Antoine, Paris)

Les thérapies dites « ciblées » constituent une évolution majeure de ces dernières années en cancérologie en général et en cancérologie digestive en particulier. Ces thérapeutiques sortent du cadre habituel de la chimiothérapie anticancéreuse, dont le principe consiste à détruire les cellules en voie de multiplication, pour entrer dans le domaine des cibles moléculaires à l’origine des proliférations tumorales. Les thérapeutiques  » ciblées  » devraient, au moins en théorie, avoir une spécificité d’action, dirigée contre les cellules tumorales par rapport aux cellules saines, contrairement à la chimiothérapie cytotoxique. Cette spécificité d’action permet d’obtenir un meilleur rapport efficacité / tolérance du traitement.

De nombreuses cibles potentielles sont en cours de définition et seront précisées ultérieurement avec comme arrière pensée la mise au point pour chacune des cibles individualisées d’un médicament ou d’une classe de médicaments spécifiquement dirigés contre les différentes cibles. Cette recherche ouvre un formidable champ de développement pour les années futures. Le nombre de médicaments potentiellement actifs devrait augmenter de façon exponentielle dans les années qui viennent.

Dans les cancers colorectaux métastatiques deux thérapies ciblées ont démontré leur efficacité en situation métastatique.

– Les molécules ciblées sur le récepteur EGF (Epidermal Growth Factor).
Ce sont : le cétuximab (ERBITUX®), l’erlotinib (TARCEVA®) et le gefitinib (IRESSA®).

 Un anticorps monoclonal anti-VEGF (Vascular Endothelium Growth Factor) :
le bevacizumab (AVASTIN®).

1- Les anti-EGF récepteurs
La prolifération des cellules (normales ou anormales) est sous la dépendance de nombreux facteurs propres à la cellule ou extérieurs à celle-ci. Parmi ces facteurs, l’EGF est un puissant stimulant de la prolifération cellulaire. Cette protéine se fixe sur un récepteur à la surface de la cellule cible ; cette fixation entraîne un signal intracellulaire qui déclenche une cascade d’évènements qui vont aboutir à la prolifération cellulaire. Le récepteur à l’EGF est présent sur pratiquement toutes les cellules, tumorales ou normales, mais il existe une  » surexpression  » souvent importante du récepteur à l’EGF à la surface des cellules tumorales et en particulier des cellules tumorales digestives ; ce qui en fait une cible séduisante en particulier pour traiter les cancers colo-rectaux.

Si les études cliniques ont montré que les anti-EGF récepteurs (essentiellement le cétuximab) étaient capables d’induire des réponses thérapeutiques chez des patients réfractaires à la chimiothérapie (deuxième ou troisième ligne de traitement) deux phénomènes demeurent difficiles à comprendre :

– la combinaison d’un anti-EGF récepteur à une chimiothérapie donne de meilleurs résultats que l’anti-EGFR seul, comme si ces molécules étaient capables de restaurer la chimiosensibilité d’une tumeur réfractaire. Il convient donc d’ associer ces anti-EGFR à une chimiothérapie, même si le patient était réfractaire à celle-ci.

– il n’existe pas de corrélation entre l’efficacité d’un anti-EGF récepteur avec le niveau de surexpression du EGF récepteur. On aurait en effet pu s’attendre à ce que plus la tumeur exprime des récepteurs à l’EGF à sa surface, plus les anti-EGF récepteurs seraient efficaces ; en fait les anti-EGFR sont possiblement efficaces quel que soit le niveau de surexpression. Ce qui permet de penser que la prescription de ces anti-EGFR pourrait tout à fait se justifier chez des patients qui ne surexpriment pas EGFR sur les cellules tumorales.

Utilisés à l’heure actuelle en troisième ligne thérapeutique, ils devraient prochainement trouver leur place dans le traitement de première intention des colorectaux métastatiques en association avec la chimiothérapie. Des études en cours s’intéressent également à la combinaison d’une chimiothérapie avec les anti-EGFR en situation adjuvante après une intervention chirurgicale à visée curatrice.

2- Les anti-VEGF
La croissance tumorale dépend de l’existence ou de la formation de vaisseaux sanguins à proximité.

Pour se développer la tumeur est obligée pour se nourrir de développer une vascularisation qui lui apportera les éléments nécessaires à sa prolifération. Il existe pour de nombreux cancers une corrélation forte entre la densité des micro néo-vaisseaux et l’évolution clinique. De nombreuses substances favorisent la création de ces néo-vaisseaux, en particulier le VEGF (Vascular Endothelium Growth Factor).

Les cellules tumorales sont capables de secréter du VEGF afin de favoriser leur propre développement. Les molécules anti-VEGF sont donc des molécules antiangiogéniques destinées à lutter contre la formation de nouveaux vaisseaux nourriciers des tumeurs.

Deux types de médicaments sont employés actuellement, des anti-VEGF récepteurs (molécules capables de  » bloquer  » le VEGF récepteur) mais surtout un anti-VEGF, qui capture le VEGF circulant sécrété par la tumeur pour l’empêcher d’aller se fixer sur le récepteur du VEGF au niveau des cellules endothéliales ; il s’agit du bevacizumab (AVASTIN®), dont le rôle est maintenant bien établi dans le traitement des tumeurs colo-rectales métastatiques.

En association avec une chimiothérapie, cet anticorps monoclonal a démontré une réelle efficacité en première ligne thérapeutique dans les cancers colo-rectaux métastatiques. 

Son efficacité est actuellement testée dans le cadre d’études cliniques en situation adjuvante après résection à visée curatrice de tumeurs non métastatiques.

Ces nouveaux médicaments ne sont cependant pas dénués d’effets secondaires.
Ils ne sont pas utilisables chez tous les patients, en raison de risque de toxicité accrus dans certaines situation (comme par exemple pour les patients sous anticoagulants, ou venant d’être opérés, où les anti VEGF ne doivent pas être prescrits).
De plus, leur coût est considérable par rapport à celui d’une chimiothérapie conventionnelle.
Ainsi, leur utilisation est-elle très sévèrement réglementée.
Leurs champs d’application devraient néanmoins s’étendre d’ici la fin de l’année 2005.

Devant les effets très prometteurs de ces médicaments, d’autres molécules des mêmes classes thérapeutiques (anti-EGF-r et anti-VEGF) sont en cours de développement, et permettront probablement d’encore accentuer les bénéfices thérapeutiques.

Christophe Louvet – Août 2005 – La Lettre 16 – HNPCC – Lynch – Septembre 2005