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La surveillance gynécologique dans le syndrome HNPCC-Lynch

Par le Pr Hervé DECHAUD – CHU Arnaud de Villeneuve – Montpellier Faculté de Médecine – INSERM U1040 -Université Montpellier 1 – Octobre 2012

Chez les femmes porteuses des mutations pour le syndrome de Lynch, les cancers gynécologiques (endomètre et ovaires) viennent, respectivement, en deuxième et troisième position après les cancers colorectaux. Par ailleurs, comme dans toutes pathologies néoplasiques, la prise en charge thérapeutique de ces cancers est d’autant plus efficace en termes de survie qu’elle est précoce. De ce fait, se pose alors la question du dépistage.

 Pour le cancer de l’endomètre, le diagnostic se fait sur une analyse anatomo-pathologique d’une biopsie de l’endomètre. Cette biopsie peut se faire à l’aide d’une pipelle de Cornier à l’aveugle ou par curetage endo-utérin. En termes de dépistage, l’échographie utérine (idéalement par voie vaginale) apporte une forte contribution en analysant l’épaisseur et l’aspect de l’endomètre. Toutefois, elle n’est pas suffisante à elle seule pour poser le diagnostic de cancer ou pour l’écarter. Par ailleurs, chez la femme ménopausée, son interprétation peut être facile mais chez la femme en activité génitale, l’interprétation des images échographiques est plus délicate. Compte tenu de ces difficultés, depuis quelques années s’est développée l’exploration de l’endomètre par hystéroscopie. La vision directe du revêtement de la cavité utérine permet une analyse plus fine de l’endomètre et permet, surtout, de diriger les biopsies qui doivent être réalisées.

Le dépistage des cancers gynécologiques doit débuter vers 30 ans puis être réalisé tous les un à deux ans et ceci toute la vie ou jusqu’à l’hystérectomie. Bien évidemment, l’apparition de tout nouveau signe clinique dans l’intervalle du dépistage (en particulier des saignements d’origine utérine anormaux) doit faire faire un contrôle immédiat. En effet, dans le syndrome de Lynch, les cancers dits dans l’intervalle sont décrits. Enfin, il faut savoir, qu’à ce jour, aucun traitement n’est préventif du cancer de l’endomètre.

En ce qui concerne le cancer de l’ovaire, au pronostic bien plus sombre compte-tenu de son diagnostic très souvent tardif, aucune méthode de dépistage n’a fait la preuve de son efficacité.

Lors de l’échographie pelvienne pour l’utérus, il faut, bien sûr, analyser l’aspect des deux ovaires mais cela n’est pas suffisant pour réaliser un dépistage efficace. C’est la raison pour laquelle, peut être discuté une chirurgie prophylactique sur les ovaires en même temps que l’hystérectomie si celle-ci est retenue. Cette chirurgie doit alors comporter une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale (exérèse des ovaires et des trompes). En conclusion, il peut être retenu que

> l’échographie pelvienne seule est peu performante pour éliminer un cancer > l’hystéroscopie est performante pour détecter un cancer et que > l’hystéroscopie est très performante pour éliminer un cancer.
Donc, en 2012, même si plus de preuves scientifiques doivent être amenées, l’hystéroscopie avec biopsies dirigées de l’endomètre semble être une procédure efficiente pour le dépistage du cancer de l’endomètre chez les patientes avec mutation.
Les recommandations de l’Institut National du Cancer de 2009 sont les suivantes :
> les femmes atteintes du syndrome de Lynch présentent un risque élevé de développer un cancer de l’endomètre.
> Une surveillance de l’endomètre dès l’âge de 30 ans (au minimum, échographie endovaginale tous les 2 ans et prélèvement) est recommandée
chez les femmes atteintes du syndrome.
> en cas de dysplasie avérée, l’hystérectomie doit être réalisée.
> l’hystérectomie avec annexectomie bilatérale prophylactique peut être envisagée chez les femmes porteuses d’une mutation après accomplissement du projet parental. Cette indication doit être validée dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire spécifique.
Il faut ajouter, maintenant, à ces recommandations que l’hystéroscopie avec biopsies de l’endomètre doit être proposée afin de, très probablement, améliorer l’efficience du dépistage.

Pr Hervé DECHAUD- Montpellier- Octobre 2012

Indications des tests génétiques dans le cadre du syndrome de Lynch

Pr Yves-Jean BIGNON Département d’oncogénétique, Centre Jean Perrin – BP 392 – 63011 Clermont-Ferrand – Octobre 2012

Parce que les mutations germinales délétères sont rares dans la population générale (<1%) l’histoire familiale est le meilleur moyen d’identifier les porteurs de mutations dans les gènes liés au risque héréditaire de cancer du côlon. 

>> En 2012, trop de médecins négligent encore de rechercher les antécédents familiaux ! (H. Lynch in C.P.R. 2012)

Les indications classiques (Bethesda) de consultations d’oncogénétique et de tests génétiques sont :
1) CCR (cancer colorectal) diagnostiqué avant l’âge de 50 ans.
2) Sujet avec un antécédent personnel de cancer du spectre Lynch (côlon, endomètre, grêle, voies urinaires excrétrices), CCR synchrone ou métachrone, ou cancer extra-colique du spectre Lynch quel que soit l’âge au diagnostic.
3) CCR diagnostiqué avant 60 ans avec caractéristiques anatomo-pathologiques évocatrices (infiltrat lymphocytaire dense du stroma tumoral, réaction inflammatoire de type Crohn, différenciation mucineuse ou en bague à chaton, architecture de type médullaire).
4) CCR avec au moins un apparenté au premier degré atteint d’un cancer du spectre Lynch élargi (pancréas, voies biliaires, estomac, ovaires, glioblastomes, tumeurs cutanées), un des cancers diagnostiqué avant 50 ans.
5) patient CCR + au moins 2 apparentés 1er ou 2ème degré avec cancer du spectre élargi HNPCC quel que soit l’âge

Ne passe-t-on pas à côté du risque héréditaire de cancers du colon à ne tester que les grandes familles à cas multiples de cancers ?

Les gènes MMR défectueux impliqués dans le syndrome de Lynch, favorisent de multiples altérations génétiques dans les tumeurs cancéreuses qui peuvent être identifiées dans un laboratoire de biologie moléculaire sous forme d’instabilité micro-satellitaire ou IMS.

La recherche d’IMS somatique tumorale est indiquée alors pour :
* tout CCR ou cancer du spectre élargi HNPCC diagnostiqué < 60 ans
* 2 cancers du spectre HNPCC chez un même individu
* 2 cancers du spectre HNPCC chez des apparentés au 1er degré quelque soit l’âge au diagnostic
* polype > 10 mm & histoire familiale (M. Yurgelun C.P.R. 2012)
* Quand une étude Immuno-Histo-Chimique (IHC) tumorale a été pratiquée :
* notion de CCR entre 40 et 60 ans avec extinction MLH1 en IHC
* CCR avec extinction de la protéine MSH2 en IHC


En conclusion les indications de tests génétiques dans les suspicions de syndrome de Lynch sont les suivantes :
Histoire familiale ayant les critères Amsterdam II ou de Bethesda
Présence d’IMS somatique tumorale en absence d’histoire familiale et de méthylation du gène MLH1
En absence de détermination IMS :
> Cancer du spectre HNPCC avant 40 ans
> Cancers primitifs multiples du spectre HNPCC
> 2 cancers du spectre large HNPCC liés au 1er degré avant 60 ans
> Amsterdam II élargi: 2 cas au lieu de 3, autres critères présents.

On notera qu’il y a : Deux fois moins de familles à risque de cancer du colon que de familles à risque de cancer du sein vues en oncogénétique alors que la prévention des cancers du syndrome de Lynch est plus simple.

Il est donc essentiel de faire connaître le syndrome de Lynch afin que les tests génétiques soient pratiqués et qu’une prise en charge personnalisée du risque de cancer soit mise en place.

Pr Yves-Jean BIGNON – Montpellier 2012

Interprétation du résultat d’une analyse de génétique constitutionnelle

Dr. Jean-Marc REY Laboratoire de Biopathologie Cellulaire et Tissulaire des Tumeurs – Hôpital Arnaud de Villeneuve CHU de Montpellier – Oct 2012

Le compte-rendu des résultats d’une analyse de génétique constitutionnelle a été normalisé entre les différents laboratoires afin de faciliter sa lecture. En plus des données concernant le patient, les indications de l’analyse et les techniques utilisées, il contient la description des variations génétiques identifiées ainsi que leur interprétation et la conclusion qui en découle.

Afin de comprendre un tel compte-rendu, il est nécessaire de se souvenir de plusieurs points. L’information génétique est localisée dans le noyau des cellules composant tout organisme. Son support est l’ADN. Les cellules des différents organes et tissus possèdent la même information génétique transmise des parents aux enfants : une copie provenant du père, une copie de la mère.

Le but de l’analyse de génétique constitutionnelle est d’identifier une altération prédisposant au syndrome de Lynch transmissible d’une génération à l’autre. Pour cela nous analysons l’ADN d’un membre de la famille présentant la pathologie car son information génétique est susceptible de contenir ce type d’altération. L’ADN est extrait à partir de cellules normales, en l’occurrence les lymphocytes du sang circulant, car l’altération peut être identifiée à partir de toutes les cellules.
Les gènes contiennent l’information codée permettant la synthèse des protéines constituant toutes nos cellules. Le code est constitué par la combinaison de 4 molécules (bases) A, C, T et G assemblées en triplets appelés codons. La majorité des codons correspond à des acides aminés dont l’assemblage permet d’obtenir les protéines. Le code génétique est donc segmenté en phase de 3 bases. La partie informative des gènes, appelée partie codante, se termine par un codon non-sens ou codon STOP.
Deux grandes catégories de variations génétiques ou mutations sont recherchées, la technique utilisée pour les identifier dépend de leur étendue.

Ce sont les mutations ponctuelles et les réarrangements de grande taille. Ces variations sont définies par rapport à l’information génétique connue pour être normale.

Une nomenclature internationale a été rédigée afin d’exprimer toutes les variations génétiques identifiées. Certaines de ces variations ne sont pas responsables de la pathologie, elles sont dites « non causales », elles peuvent même parfois être présentes chez plus de 1% des individus, elles sont alors dites « polymorphes ». D’autres ont été identifiées comme responsables de la pathologie, par exemple celles générant un codon STOP prématuré, elles sont dites « causales » ou « délétères ».
Enfin pour certaines le lien de causalité avec la pathologie n’a pas pu être établi avec certitude. Ces variations sont dites « de signification inconnue ». Pour ces dernières, des études fondamentales complémentaires sont nécessaires afin de définir leur caractère non causal ou délétère.

Une classification des variations génétiques ou « variants » a été élaborée et sera précisée prochainement dans le compte-rendu de génétique constitutionnelle :
Variant de classe 5 : clairement délétère ou causal
Variant de classe 4 : probablement délétère
Variant de classe 3 : de signification inconnue
Variant de classe 2 : probablement non délétère
et Variant de classe 1 : non délétère ou neutre (polymorphe ou non).

En résumé, le compte-rendu de l’analyse de génétique constitutionnelle doit contenir les informations suivantes * Les données du patient testé, * les indications de l’analyse, * les caractéristiques de l’échantillon analysé, * les techniques utilisées et les séquences de référence, * les résultats obtenus et les conclusions en découlant ainsi que l’identification des personnes ayant effectué puis interprété l’analyse.

Docteur Jean-Marc REY – Montpellier – Octobre 2012

Le diagnostic du syndrome de Lynch : la démarche en oncogénétique

Dr Sophie Lejeune – Service de Génétique – Hôpital Jeanne de Flandre – CHRU de Lille

Le syndrome de Lynch, du nom du cancérologue américain Henry Lynch qui le décrivit initialement, est une maladie génétique responsable d’une augmentation du risque de développer certains cancers, principalement colorectaux, mais également gynécologiques chez la femme (endomètre et ovaires). Cette maladie génétique est rare. Il ne représente que 3% à 5% des cancers du côlon et du rectum. Il est important d’en faire le diagnostic dans une famille afin de préciser les risques de cancer et les modalités de prise en charge à proposer aux différents membres de la famille.

1) Le diagnostic initial, le « cas index » La 1re personne de la famille initiant le bilan oncogénétique est appelée « cas index ». Il s’agit en général d’une personne ayant ou ayant eu un cancer colorectal et/ou gynécologique, vue en consultation d’oncogénétique à la demande de son chirurgien, de son médecin (oncologue, gynécologue, gastro-entérologue) ou à sa demande personnelle. Un arbre généalogique est établi, et si l’histoire personnelle et/ou familiale est évocatrice du syndrome de Lynch, une étude génétique lui est proposée afin de confirmer ou d’infirmer le diagnostic. Cette étude, réalisée à partir d’une prise de sang et si possible à partir de la tumeur lorsque le patient a été opéré, est longue (entre 6 et 12 mois) et non à la charge financière du patient. Les résultats de ce bilan lui sont rendus et expliqués par le médecin généticien au cours d’une consultation. Si le diagnostic de syndrome de Lynch est confirmé, des modalités spécifiques de prise en charge peuvent lui être recommandées. Par exemple, une femme ayant eu un cancer de l’utérus survenu dans le cadre de ce syndrome, se verra recommander une surveillance digestive par coloscopies régulières, tous les 2 ans, en raison du risque associé de cancer colorectal.

2) Les tests génétiques chez les apparentés
Il s’agit pour le cas index d’une démarche à la fois personnelle et familiale. En effet, une fois le diagnostic établi, lui revient la charge d’en informer tous les membres de sa famille potentiellement concernés : (a) existence d’une maladie génétique au sein de la famille responsable d’un risque élevé de développer certains cancers ; (b) maladie pouvant toucher les hommes et les femmes ; (c) risque de 50% pour un sujet atteint de transmettre la maladie à ses enfants. De plus, lorsque le bilan génétique a permis d’identifier l’anomalie génétique (= mutation) responsable du syndrome de Lynch dans la famille, il est alors possible de proposer à tous les apparentés majeurs la réalisation d’un test génétique. Ce test a pour but de déterminer à partir d’une prise de sang si la personne est porteuse de la mutation responsable de la maladie, afin de mettre en place un suivi médical adapté si besoin. La réalisation de ce test génétique se fait à l’issue d’une consultation de génétique, au cours de laquelle une réflexion est menée sur les enjeux médicaux et psychologiques du test, avec dans la mesure du possible un encadrement psychologique et si besoin une période de réflexion. Les résultats sont connus beaucoup plus rapidement. On recommande en général de faire le test à partir 20 ans, car c’est à cet âge que débute la surveillance digestive par coloscopie dans le syndrome de Lynch.

3) L’importance de la transmission de l’ information La transmission de l’information dans la famille est donc PRIMORDIALE. En effet, un cousin, un oncle ou encore une nièce feront le test génétique, s’ils le souhaitent certes, mais avant tout s’ils ont été mis au courant de la possibilité de ce test. Afin de faciliter la transmission de cette information, des lettres destinées à tous les membres de la famille sont systématiquement remises au patient. Les possibilités et les difficultés potentielles de transmission de l’information au sein de la famille sont analysées avec le patient et des solutions sont envisagées au cas par cas.

4) Nécessité de consultations de suivi en oncogénétique Outre le suivi médical digestif et/ou gynécologique, il est important qu’un patient atteint d’un syndrome de Lynch bénéficie également d’un suivi oncogénétique afin de faire le point sur les modalités de sa prise en charge. En effet, celles-ci peuvent être modifiées en raison de l’évolution des connaissances médicales et scientifiques. Elles évoluent par ailleurs systématiquement en fonction de l’âge du patient : à 20, 40 ou 60 ans, les risques tumoraux évoluent, la prise en charge également.
Plus qu’une rencontre ponctuelle, la démarche en oncogénétique doit donc s’inscrire dans le temps comme un véritable accompagnement du patient dans son parcours médical.

S. Lejeune – Février 2012

Les analyses génétiques – Dépistage du syndrome de Lynch dans la région Nord-Pas-de-Calais

Dr Marie-Pierre Buisine – Oncologie et Génétique Moléculaires – CHRU de Lille (Oct 2011)

L’analyse génétique consiste à rechercher dans notre patrimoine génétique une altération responsable de maladie héréditaire.
L’information génétique est portée par notre ADN. L’ADN est l’équivalent d’une encyclopédie écrite à partir d’un alphabet à 4 caractères : A, G, C et T. Il est constitué de gènes (l’équivalent des mots de notre encyclopédie), présents en double copie (une copie d’origine maternelle, une copie d’origine paternelle) qui sont décodés pour permettre la synthèse de protéines assurant des fonctions les plus diverses. Certaines modifications de l’ADN ou mutations conduisent à la production de protéines de mauvaise qualité qui sont incapables d’assurer leur fonction d’où le développement de maladies. L’analyse génétique va consister à rechercher cette altération responsable de la maladie, dans le cas présent le syndrome de Lynch. Les gènes MMR Le syndrome de Lynch est dû à une mutation d’un gène MMR (MisMatch Repair)  : MSH2, MLH1, MSH6 ou PMS2. Les gènes MMR sont impliqués dans la réparation de l’ADN. Ils produisent des protéines qui sont indispensables au maintien de l’intégrité de notre patrimoine génétique. Les protéines MMR contrôlent la qualité de l’ADN, en particulier de l’ADN qui est synthétisée au cours des divisions cellulaires, et réparent les erreurs. Le patient atteint d’un syndrome de Lynch est porteur d’une mutation constitutionnelle (c’est-à-dire présente dans toutes les cellules de l’organisme) d’un gène MMR. Cette mutation entraîne la production d’une protéine MMR défectueuse, incapable d’exercer son travail de réparation de l’ADN. Le patient a ainsi une prédisposition à développer un cancer, qui survient si la seconde copie du gène subit elle-aussi une altération (altération limitée aux cellules tumorales). Les conséquences des altérations des deux copies d’un gène MMR sont visibles au niveau des cellules tumorales qui vont montrer comme caractéristiques une instabilité microsatellitaire ou phénotype MSI (MicroSatellite Instability) (encore parfois appelé RER pour Replication ERror) et une disparition des protéines MMR défectueuses.

Le rôle du laboratoire va être double : – Il va réaliser des analyses sur la tumeur : le test MSI et l’étude des protéines MMR, ceci ayant pour but d’aider au diagnostic de syndrome de Lynch et d’orienter les analyses génétiques. – Il va aussi réaliser les analyses génétiques proprement dites. Ces analyses sont réalisées à partir d’une prise de sang et consistent à rechercher sur l’ADN une mutation dans les gènes MMR, l’objectif étant de confirmer le diagnostic de syndrome de Lynch ou de dépister dans la famille les personnes à risque (diagnostic prédictif).

Les analyses tumorales Les analyses tumorales précèdent généralement les analyses génétiques et consistent à rechercher des marqueurs d’aide au diagnostic du syndrome de Lynch : test MSI et étude des protéines MMR. Des recommandations ont été diffusées dès 2003 indiquant l’importance pour le dépistage du syndrome de Lynch de réaliser ces analyses tumorales chez tous les patients atteints d’un cancer du spectre du syndrome de Lynch (en particulier cancer colorectal ou de l’endomètre) avant l’âge de 60 ans ou quelque soit l’âge à partir du moment où il existe un antécédent familial au 1er degré de cancer du spectre (Olschwang et Eisinger, 2003). Ce type d’analyse a rapidement été mis en place dans certains laboratoires, mais la démarche a depuis été grandement facilitée par l’implantation en 2006-2007, sous l’égide de l’INCa (Institut National du Cancer), de plateformes d’analyse moléculaires des tumeurs (29 plateformes réparties sur toute la France). En pratique, le clinicien (Gastro-entérologue, Gynécologue, Chirurgien, Généticien) qui soupçonne un syndrome de Lynch fait la demande de test auprès du Pathologiste qui détient les échantillons tumoraux (des fragments de la tumeur sont conservés par les Pathologistes durant un minimum de 10 ans). Le bloc tumoral est sélectionné et transmis au centre de pathologie moléculaire où est réalisée l’analyse des protéines MMR. Des coupes sont réalisées à partir du bloc tumoral et transmises au laboratoire de la plateforme pour l’analyse MSI. Le résultat indique la présence ou l’absence d’instabilité micro satellitaire, apportant un élément en faveur ou en défaveur du diagnostic de syndrome de Lynch.

Les analyses génétiques Le premier type d’analyse génétique consiste à rechercher la mutation responsable de la maladie dans la famille. Ce type d’analyse ne peut être effectué que dans un laboratoire autorisé et par des praticiens agréés (décret n°2008-321 du 4 avril 2008).                 Actuellement, 25 laboratoires en France réalisent des analyses d’Oncogénétique, dont 17 effectuent l’analyse des gènes MMR pour le diagnostic de syndrome de Lynch. Le diagnostic du syndrome de Lynch est complexe. En effet, la mutation peut se trouver dans n’importe quel gène MMR et n’importe où dans ces gènes ; elle peut être de différentes natures, nécessitant la mise en œuvre de techniques diverses. Ceci explique que les analyses puissent être longues et, parfois, ne pas aboutir. Il arrive aussi que certaines altérations identifiées soient difficiles à interpréter, d’où l’importance pour les laboratoires de travailler en Réseau  afin de partager leurs expériences (Réseau National des Laboratoires d’Oncogénétique Digestives, coordonné par le Dr Sylviane Olschwang, Institut Paoli Calmettes, Marseille). Le laboratoire travaille également en lien étroit avec les cliniciens, permettant de personnaliser la prise en charge.

En pratique, l’identification de la mutation est réalisée chez une personne qui a déjà eu un cancer. L’analyse est réalisée sur l’ADN extrait à partir d’un prélèvement de sang (réalisé au cours de la consultation de génétique). Lorsqu’une mutation est identifiée, elle fait l’objet d’un compte-rendu indiquant le nom du gène et le type de mutation identifié qui est transmis au prescripteur. Ce type d’analyse peut être long : plusieurs mois, voire plusieurs années en l’absence de mutation identifiée et dans l’attente de nouvelles avancées concernant le diagnostic (identification de nouveaux gènes, de nouveaux types de mutations…).

Le second type d’analyse génétique, correspond au diagnostic prédictif chez des apparentés. Celui-ci n’est possible que si la mutation responsable de la maladie a été identifiée. Le diagnostic est beaucoup plus simple et rapide (quelques semaines) consistant à rechercher directement la mutation préalablement identifiée dans la famille.

M-P Buisine – Oct 2011

Syndrome de Lynch : Un soutien psychologique parfois nécessaire

Mlle Marjolaine Corbeil –  Psychologue – Service de Génétique Clinique Guy Fontaine – Hôpital Jeanne de Flandre – CHRU Lille

La mise en évidence de certains facteurs génétiques de prédisposition à la survenue du  syndrome de Lynch apporte de nouveaux éléments de compréhension et des possibilités d’adaptation de la surveillance médicale, bénéfiques pour l’individu  concerné. Néanmoins, la recherche chez un individu de la présence éventuelle du facteur génétique en question n’est pas sans conséquence(s) psycholo-gique(s) pour le patient.       

La recherche de la mutation génétique responsable du syndrome de Lynch peut se faire, soit chez des patients atteints d’un cancer, soit chez des individus en bonne santé appartenant à une famille pour laquelle cette mutation est identifiée (on parle alors de test pré-symptomatique). Dans ces deux cas, il s’agit de personnes ayant une histoire individuelle et/ou familiale plus ou moins marquée par la maladie ; ce qui peut être source d’importantes souffrances psychologiques (anxiété, peur, angoisse, tristesse, dépression…). Dans l’une ou l’autre des situations, le rôle du psychologue sera donc dans un premier temps d’évaluer l’état émotionnel du patient rencontré et d’éclaircir avec lui les enjeux que recouvre le test génétique. Dans le cas où le patient est le premier membre d’une  famille chez qui  la  mutation  génétique est recherchée, il pourra s’agir de vérifier la compréhension de l’information et de travailler à la transmission de celle-ci aux autres membres de la famille (culpabilité de devoir transmettre « une mauvaise nouvelle », anticipation anxieuse des conséquences possibles pour les membres de la famille et pour leurs relations, culpabilité de la possible transmission de la mutation génétique à la descendance…). Dans le cadre d’un test pré-symptomatique, il s’agira d’accompagner la personne dans sa prise de décision quant au fait de faire ou non le test génétique (toujours en respectant le souhait de ne pas savoir) : Aborder les motivations à cette démarche ; Anticiper les implications positives et négatives du test pour le patient concerné ; aborder la surveillance qui peut-être considérée comme lourde à engager…

Reste bien évidemment la possibilité d’une réaction psychologique adaptée et proportionnée, n’entraînant pas de détresse excessive pour le patient.

Quelque soit la situation, en collaboration avec le généticien, le psychologue veille à accompagner au mieux le patient dans son adaptation à la connaissance de son statut génétique (porteur ou non porteur de la mutation), et à proposer un suivi adapté à chacun.

M Corbeil – Oct 2011

Dépistage colique au cours du syndrome de Lynch : la coloscopie et sa préparation en 2011

Dr Julien BRANCHE Gastroentérologie – CHRU Lille

 La coloscopie est la méthode la plus efficace pour explorer la muqueuse du colon. Elle est indiquée pour investiguer les troubles du transit et le dépistage des polypes : la coloscopie permet aussi bien de réaliser une inspection visuelle que de prélever des échantillons (biopsies) et retirer des polypes. Ainsi, la coloscopie est aujourd’hui l’examen de référence pour le dépistage et le traitement des lésions précancéreuses du colon.
Pour le dépistage du cancer colorectal, la population française est divisée en trois groupes : Le groupe à risque moyen concerne la population générale, qui participe au dépistage organisé. Ce sont les personnes de 50 à 74 ans, asymptomatiques, sans antécédent personnel ni familial au 1er degré de polype ou de cancer colorectal, qui se voient proposer la recherche de sang occulte dans les selles tous les deux ans (HemoccultII®), et la réalisation de la coloscopie en cas de test positif. Le groupe à risque élevé concerne les personnes avec un antécédent personnel ou au 1er degré (fratrie, parents) de polype ou de cancer colorectal. La coloscopie de dépistage est indiquée à partir de l’âge de 45 ans ou 5 ans avant l’âge de diagnostic de polype ou cancer chez le parent.

Le groupe à risque très élevé concerne les personnes avec une prédisposition génétique familiale au cancer du colon. Les syndromes les plus fréquents sont la polypose adénomateuse familiale (PAF) nécessitant une coloscopie tous les 1-2 ans dès l’âge de 10 ans, et le syndrome de Lynch au cours duquel la coloscopie avec chromoendoscopie est indiquée tous les 2 ans dès l’âge de 20 ans.

Le « parcours » vers la coloscopie débute par la consultation avec le gastroentérologue. L’indication de l’examen sera vérifiée, les modalités de réalisation de la coloscopie et surtout de sa préparation seront expliquées. Lors de la consultation d’anesthésie seront précisés les antécédents, les traitements en cours et vérifiées les conditions de prise en charge en ambulatoire (sortie au domicile le jour de l’anesthésie générale).

Une coloscopie de dépistage de qualité doit être complète (explorer la totalité du colon) et la préparation doit être parfaite : la persistance de matières fécales adhérentes à la paroi intestinale gène l’exploration minutieuse. Une mauvaise préparation a de multiples conséquences : le risque de coloscopie incomplète est majoré, la coloscopie est techniquement plus difficile (donc plus à risque), elle est plus longue et le taux de détection des polypes est diminué, réduisant la qualité du dépistage et la protection vis-à-vis de la mortalité par cancer colorectal.

Plusieurs préparations coliques sont disponibles sur le marché Deux grandes catégories ont été utilisées au cours des dernières années.
Le Polyéthylèneglycol (PEG) complété avec des électrolytes : Fortrans®, Klean-Prep®, Colopeg®. Ces préparations ont l’avantage d’une quasi absence de contre indication. Elles consistent à boire 4 litres de préparation régulièrement sur 4 heures (1 verre de 250 ml toutes les 15 minutes) la veille de l’examen. En cas de coloscopie en fin de matinée ou l’après midi, la préparation peut être divisée en deux (3 litres la veille, 1 litre le matin).
C’est l’augmentation du volume des selles qui permet un effet « chasse d’eau » de la purge intestinale.
L’inconvénient de ces préparations est le volume de produit à ingérer, de multiples « astuces », bien résumées sur le site de l’association, permettent d’en améliorer la tolérance. Le Moviprep® est une préparation par PEG avec adjonction de vitamine C. Son avantage est de ne comprendre que 2 litres de produit, l’inconvénient est de ne pas être totalement pris en charge par l’Assurance Maladie.

Les Phosphates de sodium : Fleet Phospho-Soda®. Le produit actif est constitué de deux flacons de 45 ml à boire à 4 heures d’intervalle. Cependant là aussi la purge nécessite la prise d’au moins deux litres de liquide clair entre les deux prises. Ces préparations peuvent entraîner des troubles hydro électrolytiques et sont contre-indiquées notamment en cas d’insuffisance cardiaque ou rénale sévère.

Plusieurs études ont étudié ces deux classes de produits, la plupart retrouvaient une efficacité comparable. La compliance et la tolérance étaient plutôt améliorées avec le phosphate de sodium.

Depuis quelques mois sont disponibles trois nouvelles préparations : Deux préparations associent un laxatif à un stimulant du péristaltisme (contractions intestinales) (Picosulfate de sodium, Oxyde de magnésium léger, Acide citrique anhydre) : Picoprep® et Citrafleet®. Le principe actif est contenu dans deux sachets à diluer (parfum orange ou citron) dans un verre d’eau et à boire à 6-8 heures d’intervalle. Entre les deux prises il faut toujours boire au moins deux litres de liquide clair pour assurer une vidange intestinale : c’est là encore l’effet chasse d’eau associé aux principes actifs laxatifs et stimulants du péristaltisme indispensable à un effet purge.

Une préparation par comprimés : Colokit® (à base de Phosphate de sodium). Elle consiste à   prendre 4 comprimés toutes les 15 minutes, avec un minimum de 250 ml d’eau ou de liquide clair, pour un total de 32 comprimés, associés à la boisson d’au moins 2 litres de liquide clair. Comme dans toutes les préparations l’hydratation abondante est indispensable. La préparation peut être totalement prise la veille de l’examen pour une coloscopie le matin, ou séparée en deux avec une prise de 20 comprimés la veille et 12 comprimés le matin en cas de coloscopie l’après midi.

Une chromoendoscopie est indiquée pour toute personne porteuse du syndrome de lynch
Il s’agit de l’application d’un colorant de surface bleu (indigo carmin) qui, pulvérisé sur la muqueuse intestinale, permet de rehausser et donc mieux visualiser les polypes plans et en améliore de ce fait la détection. La chromoendoscopie ne nécessite pas d’endoscope spécifique
La première partie de la coloscopie consiste à avancer l’endoscope jusqu’à la partie terminale du colon (caecum). Un cathéter spray est inséré dans le canal opérateur de l’endoscope et le produit est pulvérisé lors du retrait de l’endoscope. Ensuite, l’endoscope est à nouveau poussé jusqu’au caecum. L’étude attentive de la paroi intestinale est réalisée lors du retrait progressif de l’endoscope. La coloscopie est à ce jour le seul examen pour dépister et traiter les lésions précancéreuses du colon.

Une motivation du gastroentérologue  et  du patient sont indispensables pour un dépistage de qualité. L’utilisation de la chromoendoscopie augmente la détection des polypes plans, donc la qualité de l’examen. Les nouvelles galéniques de préparation colique améliorent probablement la pénibilité de la préparation, qui doit être répétée tous les deux ans dans le syndrome de Lynch.

Dr Julien Branche – Oct 2011

La chirurgie du côlon et du rectum dans le syndrome HNPCC/Lynch

Pr L de Calan, Service de chirurgie digestive, endocrinienne et de transplantation hépatique, Hôpital Trousseau, 37044 Tours cedex 9 (Tours Oct 2010)

La chirurgie du côlon et du rectum chez les patients ayant un syndrome HNPCC/Lynch soulève 3 questions : 1/ que faire en cas de cancer du côlon ? 2/ que faire en cas de cancer du rectum ? 3/ y-a-t’il une place pour la chirurgie préventive ?

1/ Que faire en cas de cancer du côlon ?

Le chirurgien doit enlever le côlon, faire ce que l’on appelle une colectomie emportant le cancer, mais il a le choix entre faire une colectomie segmentaire, conservant une partie du côlon, ou bien une colectomie totale. L’avantage de la colectomie totale est de prévenir le risque de survenue d’un second cancer colique. La colectomie segmentaire avec surveillance par coloscopie du côlon restant est une alternative raisonnable car l’efficacité de cette surveillance est démontrée pour prévenir la survenue d’un second cancer colique. Colectomie totale et segmentaire ont une mortalité postopératoire identique, entre 0,6 % et 3% suivant les études, et un taux de complications postopératoires identiques. Par contre, la colectomie segmentaire donne un meilleur résultat fonctionnel et une meilleure qualité de vie, même si les études dont nous disposons pour le démontrer ont un niveau de preuve assez faible.

En définitive, le choix entre colectomie segmentaire et totale doit être fait en concertation avec le patient, après l’avoir informé des risques et bénéfices des 2 techniques. Il faut également tenir compte de l’âge du patient, un patient jeune avec un cancer colique diagnostiqué précocement étant plutôt candidat à une colectomie totale. Dans les 2 cas, la surveillance par coloscopie du côlon et/ou du rectum restant est indispensable, ses modalités pratiques étant parfaitement définies dans les recommandations professionnelles.

La colectomie, segmentaire ou totale, doit-elle être faite par chirurgie conventionnelle (laparotomie) ou par cœlioscopie ? Le taux de complications chirurgicales des 2 techniques est identique mais la cœlioscopie donne moins de douleurs postopératoires, permet une reprise plus rapide du transit intestinal, aboutit à une durée d’hospitalisation plus courte. La cœlioscopie donne probablement moins d’adhérences postopératoires. Elle a enfin un avantage esthétique mais cet avantage, pour important qu’il soit, ne peut être un argument décisionnel majeur en matière de cancérologie.

2/ Que faire en cas de cancer du rectum ?


Il faut enlever le rectum, partiellement ou totalement, faire ce que l’on appelle une proctectomie. Deux questions se posent. La première est de savoir si le chirurgien peut ou non conserver l’anus. Si le chirurgien peut conserver l’anus, il fait une proctectomie avec un rétablissement du circuit intestinal, une anastomose, généralement protégée par une stomie ou anus artificiel temporaire que l’on supprime quelques semaines plus tard. S’il ne peut pas conserver l’anus, il fait une proctectomie avec un anus artificiel définitif. La 2ème question, que l’on conserve ou non l’anus, est de savoir s’il faut associer à la proctectomie une colectomie totale afin de prévenir le risque d’un cancer colique ultérieur.

La décision de conserver ou non l’anus repose sur le respect des règles carcinologiques de la proctectomie pour cancer du rectum avec la nécessité d’avoir une marge de section sous la tumeur d’au moins 1 centimètre. La décision de faire une colectomie totale associée à la proctectomie doit être mise en balance avec la surveillance par coloscopie du côlon restant dont l’efficacité est démontrée, comme cela a déjà été dit à propos de cancer du côlon.

Si la conservation de l’anus est possible, le choix se fait entre proctectomie avec anastomose colo-anale avec réservoir et coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale avec réservoir. Les 2 interventions ont une mortalité postopératoire identique, environ 2%, et un taux de complications postopératoires identique. Par contre, l’anastomose colo-anale donne un meilleur résultat fonctionnel avec, en particulier, un nombre de selles/24 h moins élevé. En définitive, le choix entre les 2 interventions doit être fait en concertation avec le patient, après l’avoir informé des risques et bénéfices des 2 techniques. Il faut également tenir compte de l’âge du patient, un patient jeune avec un cancer rectal diagnostiqué précocement étant plutôt candidat à une coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale avec réservoir.

Si la conservation de l’anus n’est pas possible, le choix se fait entre proctectomie avec ablation de l’anus et colostomie définitive et coloproctectomie totale avec ablation de l’anus et iléostomie définitive. Le choix entre les 2 interventions doit être fait en concertation avec le patient mais il faut privilégier la première intervention car il y a moins de séquelles fonctionnelles après colostomie définitive qu’après iléostomie définitive.

La chirurgie du cancer du rectum peut-elle être faite par cœlioscopie ? La réponse est oui car la cœlioscopie a les mêmes avantages que pour la chirurgie du cancer du côlon, que l’on conserve ou non l’anus, que l’on fasse ou non une colectomie totale, Elle est cependant techniquement plus difficile que pour la chirurgie du côlon et demande une bonne expertise chirurgicale.

3/ Y-a-t’il une place pour la chirurgie préventive du côlon et du rectum ?

La réponse est non. Il n’y a pas d’indication à faire une colectomie ou une proctectomie préventive chez un patient ayant un syndrome HNPCC/Lynch et indemne de tout cancer du côlon et du rectum. Il peut y avoir de très rares exceptions chez des patients où la surveillance par coloscopie n’est techniquement pas possible du fait d’un côlon trop long et trop large (mégadolichocôlon) ou du fait de l’existence d’une diverticulose colique sévère.
Bibliographie B Buecher, S Kirzin, M Karaoui, Y Ansquer, Y Parc. Chirurgie prophylactique dans le cadre du syndrome HNPCC/Lynch. Recommandations professionnelles. Chirurgie prophylactique des cancers avec prédisposition génétique. Institut National de Cancer, décembre 2009. (www.e-cancer.fr)

Loik de Calan – Fév 2011

Traitements des Cancers du Côlon et du Rectum

Dr Bruno Buecher – CHU Nantes – Résumé de la présentation à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille

Les cancers du côlon et du rectum font partie des cancers les plus fréquents en France. En 2000, 36 257 nouveaux cas ont été diagnostiqués dans notre pays. Seuls 2% environ de ces cancers sont dus au syndrome HNPCC.
Néanmoins, le risque de développer un tel cancer chez les individus porteurs de cette prédisposition est élevé ce qui justifie la mise en œuvre d’une stratégie de dépistage systématique basée sur la coloscopie. Cet examen doit être réalisé tous les 2 ans, dans des conditions de préparation optimales, et en ayant recours à l’application d’un colorant à l’intérieur du côlon en cours de procédure (technique de  » chromoendoscopie « ). L’objectif n’est pas seulement de dépister un cancer à un stade précoce, mais également celui d’identifier et de réaliser l’exérèse des tumeurs bénignes préexistantes, les polypes adénomateux, avant qu’elles ne dégénèrent.

Actuellement, les modalités de prise en charge des cancers colorectaux survenant chez un sujet atteint de syndrome HNPCC sont identiques à celles des cancers colorectaux survenant dans la  » population générale « . La première étape consiste à réaliser un bilan d’extension à la recherche de métastases, c’est-à-dire de localisation de la maladie dans d’autres organes, principalement le foie et le poumon. Elle permet donc de distinguer les cancers qui restent localisés au côlon ou au rectum et les cancers métastatiques, c’est-à-dire ayant  » essaimés  » à distance.

Le traitement des cancers colorectaux localisés est basé sur la chirurgie . Celle-ci consiste à retirer la portion du côlon ou du rectum qui porte le cancer, ainsi que la graisse et les ganglions qui l’entourent.
Pour les cancers du rectum, cette chirurgie est généralement précédée d’une radiothérapie. La pièce opératoire est ensuite systématiquement étudiée au microscope (examen histologique). Cet examen permet de préciser deux éléments essentiels, qui conditionnent le risque de récidive après la chirurgie.
Il s’agit de la profondeur de l’infiltration de la paroi du côlon par la tumeur et de l’existence ou non de métastases ganglionnaires.
La présence de telles métastases est associée à un plus grand risque de récidive, ce qui justifie l’administration d’une chimiothérapie complémentaire, dite  » adjuvante « .
Cette chimiothérapie est débutée dans les 6 semaines qui suivent la chirurgie et dure 6 mois. Le produit de base est appelé 5-Fluorouracile
(5-FU). Il est administré par voie intraveineuse au moyen d’un dispositif préalablement mis en place sous la peau sous anesthésie locale et est le plus souvent bien toléré. Un certain nombre d’effets secondaires est néanmoins possible : nausées, vomissements, diarrhées, aphtes dans la bouche, rougeurs de la paume des mains et de la plante des pieds, diminution du taux de cellules sanguines. La perte des cheveux est rare, généralement peu importante et est réversible à l’arrêt du traitement.

Lorsqu’il existe des métastases dans d’autres organes au moment du diagnostic, la chimiothérapiedevient l’élément essentiel du traitement.
Elle est généralement plus  » lourde  » que la chimiothérapie adjuvante puisqu’elle associe le plus souvent au 5-fluorouracile un autre produit de chimiothérapie, l’oxaliplatine ou l’irinotécan. Ces deux derniers médicaments exposent à une augmentation du risque de survenue de nausées, de vomissements et d’une diminution du taux des cellules sanguines. L’oxaliplatine peut également être responsable d’une toxicité neurologique qui se traduit par l’apparition de fourmillements et d’une gène au niveau de l’extrémité des mains et des pieds, ainsi que par une sensation de blocage au niveau de la gorge.
Ces symptômes apparaissent principalement lors de l’exposition au froid. Ils apparaissent généralement après administration de plusieurs cures et sont lentement réversibles à l’arrêt du traitement.
En ce qui concerne l’irinotécan, il peut induire une chute importante des cheveux, ainsi qu’une diarrhée parfois profuse et qui doit faire l’objet d’un traitement antidiarrhéique précoce et à forte dose.
Dans tous les cas, la chimiothérapie est généralement administrée par cure de 2 jours tous les 15 jours et délivrée sur un mode ambulatoire, c’est-à-dire qu’elle ne nécessite pas d’hospitalisation.

L’exérèse chirurgicale de la tumeur colique ou rectale n’est pas systématique dans cette situation. Son indication est fonction de la taille de la tumeur et de l’évaluation du risque d’évolution vers une occlusion.
Lorsque la tumeur est volumineuse et que le risque occlusif est élevé, la chirurgie est réalisée avant la mise en route de la chimiothérapie.
La mise en place d’une prothèse colique sous endoscopie constitue une alternative possible à la chirurgie. En ce qui concerne les métastases hépatiques et/ou pulmonaires, la possibilité d’une exérèse chirurgicale doit également toujours être discutée initialement puis périodiquement en fonction de la réponse à la chimiothérapie d’une tumeur jugée initialement non résécable.

En tout état de cause, une telle chirurgie ne se conçoit que si elle permet d’envisager une exérèse complète de la tumeur.
Pour finir, il est important de souligner que des progrès très significatifs ont été réalisés au cours des dernières années en ce qui concerne le traitement des cancers colorectaux. En particulier, nous disposons depuis quelques mois de nouvelles possibilités de traitement. Il s’agit de médicaments de  » nouvelle génération  » , dont le mécanisme d’action est radicalement différent de celui des produits de chimiothérapie classiques et qui permettent d’obtenir des régressions de tumeurs résistantes aux différents protocoles de chimiothérapie conventionnelle.

Dr Bruno Buecher – CHU Nantes – Résumé de la présentation à l’Institut Paoli Calmettes de Marseille – 23 oct 2004

Les cancers colorectaux à l’heure des thérapies ciblées

Pr Christophe Louvet (Service d’Oncologie Médicale, Hôpital Saint-Antoine, Paris)

Les thérapies dites « ciblées » constituent une évolution majeure de ces dernières années en cancérologie en général et en cancérologie digestive en particulier. Ces thérapeutiques sortent du cadre habituel de la chimiothérapie anticancéreuse, dont le principe consiste à détruire les cellules en voie de multiplication, pour entrer dans le domaine des cibles moléculaires à l’origine des proliférations tumorales. Les thérapeutiques  » ciblées  » devraient, au moins en théorie, avoir une spécificité d’action, dirigée contre les cellules tumorales par rapport aux cellules saines, contrairement à la chimiothérapie cytotoxique. Cette spécificité d’action permet d’obtenir un meilleur rapport efficacité / tolérance du traitement.

De nombreuses cibles potentielles sont en cours de définition et seront précisées ultérieurement avec comme arrière pensée la mise au point pour chacune des cibles individualisées d’un médicament ou d’une classe de médicaments spécifiquement dirigés contre les différentes cibles. Cette recherche ouvre un formidable champ de développement pour les années futures. Le nombre de médicaments potentiellement actifs devrait augmenter de façon exponentielle dans les années qui viennent.

Dans les cancers colorectaux métastatiques deux thérapies ciblées ont démontré leur efficacité en situation métastatique.

– Les molécules ciblées sur le récepteur EGF (Epidermal Growth Factor).
Ce sont : le cétuximab (ERBITUX®), l’erlotinib (TARCEVA®) et le gefitinib (IRESSA®).

 Un anticorps monoclonal anti-VEGF (Vascular Endothelium Growth Factor) :
le bevacizumab (AVASTIN®).

1- Les anti-EGF récepteurs
La prolifération des cellules (normales ou anormales) est sous la dépendance de nombreux facteurs propres à la cellule ou extérieurs à celle-ci. Parmi ces facteurs, l’EGF est un puissant stimulant de la prolifération cellulaire. Cette protéine se fixe sur un récepteur à la surface de la cellule cible ; cette fixation entraîne un signal intracellulaire qui déclenche une cascade d’évènements qui vont aboutir à la prolifération cellulaire. Le récepteur à l’EGF est présent sur pratiquement toutes les cellules, tumorales ou normales, mais il existe une  » surexpression  » souvent importante du récepteur à l’EGF à la surface des cellules tumorales et en particulier des cellules tumorales digestives ; ce qui en fait une cible séduisante en particulier pour traiter les cancers colo-rectaux.

Si les études cliniques ont montré que les anti-EGF récepteurs (essentiellement le cétuximab) étaient capables d’induire des réponses thérapeutiques chez des patients réfractaires à la chimiothérapie (deuxième ou troisième ligne de traitement) deux phénomènes demeurent difficiles à comprendre :

– la combinaison d’un anti-EGF récepteur à une chimiothérapie donne de meilleurs résultats que l’anti-EGFR seul, comme si ces molécules étaient capables de restaurer la chimiosensibilité d’une tumeur réfractaire. Il convient donc d’ associer ces anti-EGFR à une chimiothérapie, même si le patient était réfractaire à celle-ci.

– il n’existe pas de corrélation entre l’efficacité d’un anti-EGF récepteur avec le niveau de surexpression du EGF récepteur. On aurait en effet pu s’attendre à ce que plus la tumeur exprime des récepteurs à l’EGF à sa surface, plus les anti-EGF récepteurs seraient efficaces ; en fait les anti-EGFR sont possiblement efficaces quel que soit le niveau de surexpression. Ce qui permet de penser que la prescription de ces anti-EGFR pourrait tout à fait se justifier chez des patients qui ne surexpriment pas EGFR sur les cellules tumorales.

Utilisés à l’heure actuelle en troisième ligne thérapeutique, ils devraient prochainement trouver leur place dans le traitement de première intention des colorectaux métastatiques en association avec la chimiothérapie. Des études en cours s’intéressent également à la combinaison d’une chimiothérapie avec les anti-EGFR en situation adjuvante après une intervention chirurgicale à visée curatrice.

2- Les anti-VEGF
La croissance tumorale dépend de l’existence ou de la formation de vaisseaux sanguins à proximité.

Pour se développer la tumeur est obligée pour se nourrir de développer une vascularisation qui lui apportera les éléments nécessaires à sa prolifération. Il existe pour de nombreux cancers une corrélation forte entre la densité des micro néo-vaisseaux et l’évolution clinique. De nombreuses substances favorisent la création de ces néo-vaisseaux, en particulier le VEGF (Vascular Endothelium Growth Factor).

Les cellules tumorales sont capables de secréter du VEGF afin de favoriser leur propre développement. Les molécules anti-VEGF sont donc des molécules antiangiogéniques destinées à lutter contre la formation de nouveaux vaisseaux nourriciers des tumeurs.

Deux types de médicaments sont employés actuellement, des anti-VEGF récepteurs (molécules capables de  » bloquer  » le VEGF récepteur) mais surtout un anti-VEGF, qui capture le VEGF circulant sécrété par la tumeur pour l’empêcher d’aller se fixer sur le récepteur du VEGF au niveau des cellules endothéliales ; il s’agit du bevacizumab (AVASTIN®), dont le rôle est maintenant bien établi dans le traitement des tumeurs colo-rectales métastatiques.

En association avec une chimiothérapie, cet anticorps monoclonal a démontré une réelle efficacité en première ligne thérapeutique dans les cancers colo-rectaux métastatiques. 

Son efficacité est actuellement testée dans le cadre d’études cliniques en situation adjuvante après résection à visée curatrice de tumeurs non métastatiques.

Ces nouveaux médicaments ne sont cependant pas dénués d’effets secondaires.
Ils ne sont pas utilisables chez tous les patients, en raison de risque de toxicité accrus dans certaines situation (comme par exemple pour les patients sous anticoagulants, ou venant d’être opérés, où les anti VEGF ne doivent pas être prescrits).
De plus, leur coût est considérable par rapport à celui d’une chimiothérapie conventionnelle.
Ainsi, leur utilisation est-elle très sévèrement réglementée.
Leurs champs d’application devraient néanmoins s’étendre d’ici la fin de l’année 2005.

Devant les effets très prometteurs de ces médicaments, d’autres molécules des mêmes classes thérapeutiques (anti-EGF-r et anti-VEGF) sont en cours de développement, et permettront probablement d’encore accentuer les bénéfices thérapeutiques.

Christophe Louvet – Août 2005 – La Lettre 16 – HNPCC – Lynch – Septembre 2005