1999-2009 : Dix ans d’activité sur le syndrome de Lynch

Dr Sylviane Olschwang Institut Paoli-Calmettes et Centre de Recherches en Cancérologie de Marseille (UMR891)

Connu à travers une première description médicale de Warthin dès 1913, puis individualisé en tant que syndrome en 1966 par Lynch, il a pu être relié a la présence de mutations responsables de la prédisposition au cancer en 1993. C’était le début d’une longue série, 4 gènes étant désormais associés au syndrome de Lynch, MSH2, MLH1, MSH6 et PMS2 ; tous sont des gènes dits MMR, qui contrôlent la qualité de l’ADN dans les cellules en division. Les mutations sont multiples, mais leurs conséquences sur le risque de cancer sont très semblables. Dès l’identification des deux gènes principaux, MSH2 en 1993 et MLH1 en 1994, quelques laboratoires d’oncogénétique moléculaire français ont proposé d’analyser ces gènes avec l’objectif d’intégrer cette analyse dans la prise en charge médicale des patients concernés. Ils étaient au nombre de 3 en 1995, 6 en 1998 et le réseau permettant de discuter et d’harmoniser les pratiques de ces laboratoires a été créé en 2000.

Deux ans plus tard, le ministère de la santé prenait la décision de financer les activités d’oncogénétique, plus tard relayé par l’Institut National du Cancer (INCa). Entre 2002 et 2009, une nouvelle facette de l’oncogénétique a chaque année été financée : 25 laboratoires en 2002, l’élaboration de recommandations nationales d’identification et de prise en charge du syndrome de Lynch et de la prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire (BRCA) en 2003, 48 structures de consultation rayonnant sur 102 sites dans 66 villes en 2004. Les laboratoires ont vu leur activité renforcée en 2005, puis étendue grâce à la création de réseaux de prédispositions rares au développement de tumeurs en 2005 et la mise en place de bases nationales des mutations des gènes MMR et BRCA en 2006. Le développement de la formation des conseillers génétiques a permis leur intégration aux consultations en 2008. Un autre aspect de l’oncogénétique, en plein essor, a été financé en 2007 via l’implantation de 28 plateformes de génétique somatique regroupant 49 laboratoires, au sein desquels sont pratiquées les analyses génétiques des cellules cancéreuses, qui entrent dans l’évaluation diagnostique et thérapeutique des cancers. La promotion de leur intégration aux services hospitaliers de pathologie, qui deviennent progressivement des structures plus larges de bio-pathologie, a également été faite grâce à de nouveaux financements de l’INCa en 2008 et 2009, destinés à s’étendre en 2010.

En ce qui concerne spécifiquement le syndrome de Lynch, la mutation des gènes MMR a pour conséquence une dérive importante de la qualité de l’ADN dans les cellules cancéreuses, appelée phénotype MSI, qui est aisément reconnue par une analyse génétique de l’ADN, extrait de ces cellules à partir de prélèvements de tissus conservés dans les laboratoires d’anatomie pathologique en ayant fait l’analyse initiale, lors de leur prélèvement (biopsie, intervention chirurgicale …). Les recommandations nationales pour l’identification du syndrome de Lynch précisent qu’il est utile de réaliser cette analyse chez tous les patients atteints d’un cancer qui pourrait s’intégrer dans un syndrome de Lynch (côlon, rectum, endomètre …), dès lors qu’il survient avant l’âge de 60 ans (http://www.john-libbey-eurotext.fr/fr/revues/medecine/bdc/e-docs/00/04/08/08/resume.phtml ).

L’analyse synthétique du bilan de l’activité d’oncogénétique en France depuis le début de son financement fait apparaître que 70 à 80% concerne le syndrome de Lynch et la prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire, et qu’il faudrait renforcer les efforts pour le syndrome de Lynch, aussi fréquent que la prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire dans la population, alors qu’il n’aboutit à une prise en charge oncogénétique que dans une proportion deux fois moins importante. En particulier, ce travail de synthèse met l’accent sur la nécessité de promouvoir la systématisation des analyses génétiques somatiques à la recherche d’un phénotype MSI, telle qu’elle a été recommandée en 2003 (http://www.e-cancer.fr/v1/fichiers/public/bd_activite_oncogenetique_rapport_final.pdf ).

Le développement de l’activité d’oncogénétique autour du syndrome de Lynch a permis l’harmonisation progressive des pratiques d’identification et de prise en charge. Un effort important reste encore à fournir pour généraliser ces pratiques. Néanmoins, de nombreux progrès ont été faits dans la connaissance des risques de cancer liés à la présence d’une mutation d’un gène MMR grâce à deux études nationales initiées à partir de l’activité des laboratoires pour la première*, et de celle des consultations pour la seconde**, appelée ERISCAM, actuellement en cours. A l’issue du premier travail de synthèse sur le syndrome de Lynch en 2003, les recommandations de prise en charge des risques de cancer ont été affinées et sont accessibles dans leur intégralité sur le site de l’INCa (http://www.e-cancer.fr/Les-Soins/Oncogenetique/op_1-it_153-la_1-ve_1.html ). Les présentations de la matinée en présentent une synthèse en tous points d’actualité.

Enfin, des recherches sont menées dans les domaines de la prévention et de la quantification précise des risques des personnes porteuses d’une mutation dans un gène MMR. Il s’agit pour les deux aspects d’études internationales à très large échelle, l’étude CAP ait l’objet d’une communication spécifique, et l’étude MOMA. Cette dernière est coordonnée par Malcolm Dunlop en Grande-Bretagne et cherche à identifier des variations de risque entre les personnes porteuses de mutations identiques.
L’hypothèse est leur constitution génétique propre, naturellement variable en dehors de cette mutation, serait à même d’influer sur le risque de cancer, en l’augmentant ou en le diminuant.

Il est maintenant connu, par exemple, que le cancer du colon ou du rectum, lorsqu’il survient, se développe chez les femmes en moyenne dix ans plus tard que chez les hommes, et la question se pose de différer le début du dépistage par coloscopie. Mais il est indispensable pour prendre une telle décision d’avoir des arguments irréfutables d’efficacité.
Aussi, cette question nécessite une étude plus large et complète, qui s’étend au-delà de la simple observation du sexe. C’est le but de l’étude MOMA, qui cherche à identifier ce qu’on appelle des gènes modificateurs des mutations des gènes MMR.
En conclusion, ces dix dernières années ont été d’une grande richesse pour notre compréhension des prédispositions génétiques aux cancers fréquents. Tous nos efforts, tant dans une démarche médicale que pour le développement des recherches, ont été soutenus par l’INCa, et les prochaines années, à travers les projets décrits brièvement ici, laissent présager une poursuite productive de l’ensemble de ces activités.

* Parc Y, Boisson C, Thomas G, Olschwang S. Cancer risk in 348 french MSH2 or MLH1 gene carriers. J Med Genet 2003;40:208-213 – Olschwang S, Lasset C, Baert-Desurmont S, Buisine MP, Wang Q, Hutter P, Rouleau E, Caron O, Bourdon V, Thomas G. Age dependent cancer risk is not different in between MSH2 and MLH1 mutation carriers. J Cancer Epidemiol. 2009
** Carayol J, Bonaïti-Pellié C. Estimating penetrance from family data using a retrospective likelihood when ascertainment depends on genotype and age of onset. Genet Epidemiol 2004;27:109-17.

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Dr Sylviane Olschwang – Octobre 2009