Impact psychosocial des analyses génétiques – Programme d’évaluation chez les patients atteints de cancer

Docteur Christine Lasset Centre Léon Bérard et Université Claude Bernard – Lyon 1

Le développement de l’oncogénétique soulève de nombreuses questions sur ses répercussions psychologiques, familiales et sociales. Une évaluation est nécessaire pour améliorer la prise en charge des patients et de leur famille. Dans une famille dont le profil répond au syndrome HNPCC, L’impact des recherches initiales chez le patient atteint de cancer (cas-index) reste mal connu. Pourtant : Le patient « cas-index » est le premier dans la famille à bénéficier d’une analyse et à être informé du résultat. Il a la charge de le transmettre à ses apparentés. On lui attribue le rôle de « messager ». En cas d’identification d’un gène muté, le patient a un risque majoré de second cancer. La présence du gène muté peut concerner d’autres personnes de sa famille.

1. Objectif du programme d’évaluation Mis en place à Lyon en 1999, le projet est destiné à faire une « Évaluation de l’impact psycho-social du résultat des recherches génétiques chez les patients atteints de cancer lié à une prédisposition héréditaire à un cancer fréquent »
Deux études sont en cours :
a) Étude des répercussions psychosociales à court et moyen terme de l’annonce d’un résultat positif (identification d’un gène muté de prédisposition au cancer du sein ou au cancer du colon)
b) Étude des conséquences d’un résultat négatif Compréhension de l’information transmise, l’ impact psycho-social et l’apport d’un document écrit d’information

2. Impact du résultat positif de l’analyse génétique
Une évaluation a été faite 1 mois puis 1 an après l’annonce du résultat positif des analyses au cours d’une consultation d’oncogénétique, suivie d’un entretien avec un membre de l’équipe de psycho-oncologie du CLB. 82 patients ont été interrogés (dont 65% atteints de cancer du spectre HNPCC) :
a) Répercussions personnelles constatées à court terme un mois après l’annonce * 60% des patients ont reporté un sentiment négatif (inquiétude, choc, insatisfaction, découragement). Quelques patients ont exprimé des réactions de détresse
* 73% sont inquiets qu’un autre cancer survienne
* 78% manifestent de l’inquiétude pour l’avenir de leurs enfants
b) Répercussions personnelles à moyen terme un an
* 92% des patients disent avoir été préoccupés par leur résultat pendant les mois qui ont suivi l’annonce
* 48% sont inquiets pour leur avenir personnel
* 61% sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants
c) Répercussions familiales
* 90% ont transmis le résultat à au moins un membre de la famille dans le mois suivant l’annonce
* 32% ont jugé cette responsabilité « difficile » ou « plutôt difficile » mais…
* 84% ont estimé qu’ils étaient les seuls à pouvoir le faire
d) Ambiance familiale * 22% pensent que le résultat a eu des répercussions psychologiques sur les membres de leur famille * Aucun patient ne s’est senti exclu ou abandonné par sa famille * 60% ont noté des sentiments d’affection ou de soutien plus marqués de la part de leur famille

3. Conclusions et recommandations

Un mois après l’annonce du résultat « positif » :
à plus de la moitié des patients exprime un sentiment négatif et un niveau d’anxiété élevé mesuré par le score HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale)
Un an après l’annonce du résultat « positif » : à malgré une diminution du niveau d’anxiété au cours du temps, les patients restent encore préoccupés par l’information transmise, pour eux-mêmes et leur entourage

Recommandations
*Les répercussions psycho-sociales de l’annonce d’un résultat positif ne doivent pas être sous-estimées chez le patient « cas index » *Un suivi prolongé dans le cadre des consultations d’oncogénétique doit être proposé : – ouverture d’un espace de parole avec si besoin – accès à un soutien psychologique pour mieux gérer l’ anxiété et d’éventuelles réactions émotionnelles négatives et pour aider dans leur mission de messager

4. Impact d’un résultat négatif – étude en cours
* Un résultat négatif veut dire que les recherches initiales n’ont pas permis d’identifier une mutation d’un gène de prédisposition. Cette Information est complexe car plusieurs explications sont possibles : – La mutation est présente mais non détectée – Un autre gène est impliqué (encore non découvert) – Le contexte familial de tumeurs est lié à des facteurs autres. Cette information est paradoxale : Le résultat est négatif mais le risque héréditaire est possiblement présent ce qui justifie le maintien de la prise en charge spécifique. à La compréhension des informations données peut être difficile conduisant à une transmission erronée dans la famille ; à Un sentiment de déception et/ou de découragement peut apparaître (« on ne peut toujours pas me dire ce qui se passe dans ma famille… »)
Cette étude qui se déroule actuellement en région Rhône-Alpes donne lieu à un entretien téléphonique dans les 6 semaines suivant la consultation d’annonce du résultat négatif. Plus de 50 entretiens ont été réalisés pour évaluer : (a) la compréhension des informations transmises et la perception du résultat donné. (b) L’apport d’un document écrit d’information standardisé remis au patient en fin de consultation. Ces études sont encore en cours

Docteur Christine Lasset Centre Léon Bérard et Université Claude Bernard – Lyon 1